De pierre et d’os

• Le mood :

Un livre-conte initiatique qui nous rappelle que les natures humaines sont identiques quelque soit notre place sur cette Terre. Une langue épurée de tout artifice mais aussi chaman.


• L’histoire :

« Sous son dôme, ma famille ressemble à une grosse bête roulée sur elle-même. D’ordinaire je respire comme tous du même grognement que mon père, mais cette nuit une douleur me déchire et m’extraie. (…) La Lune brille comme deux couteaux de femmes assemblés, tranchants sur les bords. »

Une nuit de sang versé sous la Lune,
La banquise se fracture.
Uqsuralik, sortie en pleine nuit de l’igloo familial,
Se retrouve séparée de sa famille.
Seule.
Plongée dans un brouillard noir, glacial,
Coincée avec cinq de ses chiens.

La nuit est féroce et pleine de danger.
La femelle dominante veille sur elle,
Mais l’équilibre est fragile.
La vie bascule pour un rien.
Affamés, il auront tôt fait de la dévorer.
Graver les jours dans sa peau d’ours.

« Je ramène le chien encore chaud entre les murs de l’igloo, je remets la porte en place et je le dépèce. Sa viande est infecte, mais le sang tiède ramène la vie en moi. Je le sens couler dans mes bras, qui tremblent encore du geste qu’ils viennent d’accomplir(…) »

Sur son chemin de glace,
Elle trouvera des hommes qui craignent des femmes plus braves qu’eux.
Qui craignent qu’une femme,
Encourage les leurs à vivre plus libres, à devenir leurs égales.

Comment se fait-il que partout sur terre ou sur la glace,
les hommes craignent que les femmes s’émancipent ?

Des rencontres.
Elle partage une maison d’hiver avec trois familles et les femmes.
La vie la frappe de plein fouet.
La chasse pour la mettre à l’épreuve.
Le cri des phoques. Se fondre ou devenir la proie.

Car la jalousie d’un seul homme peut tuer sur la banquise.
Le sang d’une femme peut appeler le viol d’un monstre.
Mais les esprits sont là. Et guettent. Punissent. Arrachent les vies.

Que devient-on quand on meurt ?

Là-bas, sur les terres givrées,
On renaît dans d’autres corps.
L’enfant naît mère ou grand-mère.
La mémoire se transmet par l’esprit qui voyage.

« Ce n’est pas à moi de te le dire, Uqsuralik. Tu es déjà quelqu’un d’étrange, à mi-chemin entre l’homme et la femme, l’orpheline et le chasseur, l’Ours et l’Hermine… Qui sait ce que tu peux encore devenir ? »

Dans ce récit il y a nos failles.
Nos cris que l’on étouffe.
Nos silences que l’on érigent comme des stèles.
Nos colères qui nous consument et consument le monde avec nous.
Nos solitudes dont le visage est parfois celui du combat.
Ces lieux déserts, ces lieux maudits.
Nos superstitions et tabous,
Sertis sur nos crânes comme des couronnes d’aubépines,
Ou bien des bois de caribous.

« Qu’il est difficile d’être seule – sans père, sans époux, sans famille. Sans raison de vivre, finalement. Le géant et la veuve ont raison, il me faut un enfant – mais où le trouver ? »

Là-bas les trous de phoque sont parfois déserts,
Les ours maigres,
On mâche ses vêtements quand la faim tord les ventres.
On peut servir de repas à ceux mêmes qui dorment près de nous.
On visite des esprits qui démantèlent nos corps,
Et les pénètrent dans l’espace.

Là-bas aussi, on espère un enfant.
On l’appelle de tout son corps, de toute son âme.

« C’est un bébé d’hiver que je vais mettre au monde. J’espère que la famine ne m’obligera pas à l’enterrer tout de suite sous la neige. »

Là bas aussi, on est seule quand on est femme.

« Les femmes puissantes
Encourent d’abord
Tous les dangers. »

Là-bas, il y a ces chants.
Ces esprits qui dansent autour des vies.
Tantôt menaçants.
Tantôt aimants.


• L’extrait :

 « Je ne dis rien, j’attends – en pensant à toutes ces nuits où j’ai rêvé d’un nouvel enfant, où j’ai pleuré un vide envahissant. »


• Mon avis :

Un récit absolument merveilleux par sa forme singulière, par sa cruauté terriblement humaine, par sa langue aussi épurée que pleine de l’âme des esprits qu’elle transporte.
La plume de Bérangère Cournut est chaman.
Elle réveille ce qui se tait. Elle chante ce qui se cache. Elle appelle ce qui gronde tout au fond.
Un voyage incroyable en terres inuits.


• L’auteur :

Bérangère Cournut

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Copyright photo : France Keyser/MYOP pour le JDD

*Bérengère Cournut est correctrice dans la presse et l’édition et écrivaine.

Un temps secrétaire du traducteur Pierre Leyris, dont elle accompagne les œuvres posthumes chez l’éditeur José Corti (Pour mémoire, 2002 ; La Chambre du traducteur, 2007), elle publie son premier roman, « L’Écorcobaliseur », en 2008.

Elle a publié trois livres aux éditions Attila et deux plaquettes de poésie à L’Oie de Cravan, où elle déploie un univers littéraire onirique empreint de fantaisie langagière.

Elle est également auteure de « Palabres » (Attila, 2011), publié sous le pseudonyme Urbano Moacir Espedite en collaboration avec Nicolas Tainturier (ils apparaissent en page de couverture comme « traducteurs du portugnol »).

Enfin, elle publie en 2016 un roman intitulé « Née contente à Oraibi » (Éditions Le Tripode) inspiré d’un voyage qu’elle a fait sur les plateaux de l’Arizona, à la rencontre de la tribu amérindienne des Hopis.

*Source : Babelio

• Références :

  • De pierre et d’os
  • Auteur : Bérangère Cournut
  • Maison d’édition : Le Tripode
  • Date de publication : 29.08.2019

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