Passion Simple

• Le mood :

Un livre immense sur la passion en sens unique.
Des mots incroyables sur l’attente de l’autre.
Sur ce que l’amour provoque et ce qu’il vous laisse lorsqu’il s’en va.


• L’histoire :

« À partir du mois de septembre l’année dernière, je n’ai plus rien fait d’autre qu’attendre un homme : qu’il me téléphone et qu’il vienne chez moi. »

Brûler d’amour.
Se consumer.
Pour qui a connu la passion,
Les mots d’Annie Ernaux sont une île.
Un pays connu qu’on ne savait plus nommer.

La passion jusqu’à oublier même qu’il existe la nuit, le jour.

« Quand il me laissait un intervalle plus long, trois ou quatre jours entre son appel et sa venue, je me représentais avec dégoût tout le travail que je devais faire, les repas d’amis où je devrais faire, les repas d’amis où je devrais aller, avant de le revoir. J’aurais voulu n’avoir rien d’autre à faire que l’attendre. »

L’anesthésie du temps, la langueur et l’attente dans laquelle nous plonge cet amour-là.
Les heures qui s’écoulent.
Le bruit du moteur approchant.
Chaque geste, chaque mot que l’on repense.

L’espace sans nouvelle de l’autre devient cet espace de rupture certaine.
L’angoisse de la perte.
Le vide immense.
Alors on se raccroche aux empreintes, aux tâches, à une odeur.
Plus rien ne vous irrite, il n’existe plus que cet immense monde intérieur de l’attente.
Tout devient superstition.

« je donnais de l’argent aux hommes et aux femmes assis dans les couloirs du métro en faisant le voeu qu’il m’appelle le soir au téléphone. »

Un livre vivant qui dit ce qu’est aimer, vraiment.
Ce qu’est vibrer, pleinement.
Au risque de ne pas entrevoir ce qui n’existe pas chez l’autre.
Quelles sont ces phrases que nous interprétons pour nous persuader d’un amour ?

« J’enregistrais avidement les phrases que je prenais pour des signes de sa jalousie, seule preuve selon moi de son amour. Après quelque temps je m’apercevais que « est-ce que tu pars pour Noël ? » n’était qu’une question banale, pour prévoir ou non un rendez-vous, nullement une manière détournée de savoir si j’allais au ski avec quelqu’un (…) « 

Les excuses immédiates que l’on trouve à chaque indélicatesse.
La seule chose certaine reste alors le désir.

« (…)grâce à lui je me suis approchée de la limite qui me sépare de l’autre, au point d’imaginer parfois la franchir.
J’ai mesuré le temps autrement, de tout mon corps. »

Que sommes-nous prêt à faire par amour ?
Revenir sur nos pas
En appeler au céleste dans l’espoir de quelques mots.
La conjugaison du temps passé devient aussi douloureuse que le souvenir de l’absent.
Et la violence de ce constat, chaque fois identique ;
Celui que l’on a aimé est un parfait étranger.

La littérature est parfois notre radeau.
Il est le mien.

« J’avais le privilège de vivre depuis le début, constamment, en toute conscience, ce qu’on finit toujours par découvrir dans la stupeur et le désarroi : l’homme qu’on aime est un étranger. »

 


• L’extrait :

« Le temps de l’écriture n’a rien à voir avec celui de la passion. Pourtant, quand je me suis mise à écrire c’était pour rester dans ce temps-là, où tout allait dans le même sens, du choix d’un film à celui d’un rouge à lèvres vers quelqu’un. »


• Mon avis :

Une merveille comme il en est rare.
Annie Ernaux nous livre son histoire, avec ce peu d’ambage et cette profondeur incroyable.
Couche sa passion sur le papier pour la garder, pénétrante et vivante.
Nous l’offrir comme un cadeau fait de mots pour ceux qui nous manqueront parfois ou nous ont manqué un jour.

Alors on s’autorise.
On en prend possession.
Ses images deviennent les nôtres.
Cette histoire vécue il y a des années.
Ce ventre déchiré dans l’attente,
Le désir de la peau de l’autre.


• L’auteur :

Annie Ernaux

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*Agrégée et professeur de lettres modernes, Annie Ernaux a passé son enfance et sa jeunesse à Yvetot, en Normandie.

Elle est née dans un milieu social plutôt modeste : ses parents étaient d’abord ouvriers, ensuite petits commerçants. Annie Ernaux allait régulièrement à l’école et apprenait bien. Elle a fait ses études à l’université de Rouen.

Elle est successivement devenue institutrice, professeure certifiée puis agrégée de lettres modernes. Elle a enseigné au début des années 70 au collège d’Evire à Annecy.

En 1984 elle a obtenu le prix Renaudot pour un de ses ouvrages à caractère autobiographique, « La Place« .

Très tôt dans sa carrière littéraire, Annie Ernaux a renoncé à la fiction pour revenir inlassablement sur le matériau autobiographique constitué par son enfance dans le café-épicerie parental d’Yvetot.

À la croisée de l’expérience historique et de l’expérience individuelle, son écriture, dépouillée de toute fioriture stylistique, dissèque l’ascension sociale de ses parents (la Place, la Honte), son adolescence (Ce qu’ils disent ou rien), son mariage (la Femme gelée), son avortement (l’Événement), la maladie d’Alzheimer de sa mère (Je ne suis pas sortie de ma nuit), puis la mort de sa mère (Une femme), son cancer du sein (l’Usage de la photo, en collaboration avec Marc Marie).

Elle écrit sur (mais non pas dans) la langue de ce monde ouvrier et paysan normand qui a été le sien jusqu’à l’âge de dix-huit ans, âge auquel elle a commencé, à son tour, à s’élever socialement.

Elle a aussi écrit « L’Écriture comme un couteau » avec Frédéric-Yves Jeannet.
Son texte « Passion simple » a été créé au théâtre en juillet 2007 par la Compagnie des temps venus, interprété par Carole Bouillon et mis en scène par Zabo.

Publié en 2008, Les Années a obtenu le prix Marguerite-Duras, le prix François-Mauriac de la région Aquitaine et le prix de la langue française.

En 2017, elle reçoit le Prix Marguerite-Yourcenar décerné par la Société civile des auteurs multimédia, pour l’ensemble de son œuvre.

 

(*Source : Babelio)


• Références :

  • Passion Simple
  • Auteur : Annie Ernaux
  • Maison d’édition : Gallimard
  • Date de publication : 04.01.1994

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