Salina – Les trois exils

• Le mood :

Un immense coup de coeur.
Un mélange de conte, de tragédie grecque, de mythe avec toute la puissance onirique de l’Afrique, de ses Terres et de ses guerriers.


• L’histoire :

Un cavalier s’approche du village de Sissoko Djambi.
Dans les cris et les pleurs fracassants d’un nourrisson.
Un bébé est abandonné sur le sol.
Personne ne bouge. Il pourrait être une malédiction.
Que le soleil le tue de sa chaleur ou que les hyènes le dévorent de leurs crocs.
Mais Mamambala ne supporte plus le spectacle.
Elle porte secours à l’enfant et lui offre son sein.
Son corps comme la Terre d’une mère.

« Par le sel de ces larmes dont tu as couvert la terre, je t’appelle Salina. »

Comment pouvait être alors la vie de Salina qu’autrement que bercée par les larmes ?
À l’autre bout de sa vie, Salina entend les cris.
Sa vie a passé.
Son amour pour Kano arraché pour être donné en pâture à Saro.
Ensevelie de colère, de poussière et de rage.
Là où le soleil touche la terre, les souvenirs grondent.

« C’est d’abord aux corps de se retrouver, ensuite seulement les bouches parleront. »

Malaka, son fils revient.
Et retrouve le silence d’où il vient.
L’immuable de ses terres de pierres.

Alors l’attente commence.
Qui parlera le premier ?
Il aimerait que sa mère lui raconte encore.
Sa vie, ses fracas.
Salina sait qu’il est temps de rendre son fils à sa propre vie.
Salina sait qu’il est temps de mourir.
Malaka est prêt.

Alors son fils la portera.
Gravissant le Mont Tadma « la limite des mondes ».

Puis la nudité de la mort.
Les souvenirs qui jaillissent sous la caresse de la peau.
Les mots non-dits qui s’échappent de la vie.
Trouver une Terre où reposer.

« Je crois que j’ai commencé à mourir. »

Mais c’est le cimetière qui choisira.
Et pour ouvrir ses portes il faut que Malaka raconte sa mère.
Salina, la mère aux trois fils.
La mère aux trois exils.
Que le récit devienne légende.
La pierre accueille le mythe de la vie et la mort en son ventre archaïque.
Un conte riche de sens.
Sur ce que nous savons ou connaissons vraiment de ceux que l’on aime.
Sur l’écoute du monde, l’écho de l’amour en nous.

« Il n’y a qu’une chose que Mamambala n’a pas dite, c’est que grandir était un exil. »

Quand grandir signifie la perte.
Les dangers. La fin d’une liberté que l’on pensait éternelle dans l’enfance.
Le début d’une haine.
Le commencement d’un défi qui ne finira jamais.
Et donnera naissance à un cri plus grand encore que la vengeance qui dormait en son ventre.

« Désormais, Salina le sait : son nom est celui d’une douleur. »


• L’Extrait :

« (…)et elle revient sur ses pas, laissant derrière elle des marres de sang qui ne couleront pas et des entailles qui resteront fermées. »


• Mon avis :

Un livre absolument magnifique.
Le souffle coupé par la beauté des mots de Laurent Gaudé.
Par les images qui m’ont envahies durant toutes ma lecture.
Ces dunes d’exil. Ces jeux de l’enfance qui s’échappe dans le sang qui s’écoule.
Ce roman est un mélange de tragédie racinienne et de conte qui s’imbrique merveilleusement dans cette Afrique que j’imagine.
Une leçon merveilleuse sur la colère, la vengeance et l’apaisement par l’amour et le seul don de soi.
Il dit la guerre et les mots qui sont trop petits lorsque l’amour est plus grand.
Il dit l’importance de raconter pour ne pas sombrer dans l’oubli.
Je l’ai lu juste après ma lecture d’Écrire de Marguerite Duras et je retrouve cette quête d’inscrire par les mots, le conte et le récit la vie de celui que l’on aime.


• L’auteur :

Laurent Gaudé

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Laurent Gaudé est un écrivain français.

Ancien élève de l’École Alsacienne de Paris, il a fait des études de Lettres Modernes à Paris III et d’Études Théâtrales. Il prépare l’agrégation mais ne sent pas d’attirance pour l’enseignement. Son sujet de thèse porte sur le théâtre. Il décide de vivre de sa plume et publie sa première pièce, « Onysos le furieux », en 1997.

Ce premier texte sera monté en 2000 au Théâtre national de Strasbourg dans une mise en scène de Yannis Kokkos. Suivront alors des années consacrées à l’écriture théâtrale, avec notamment « Pluie de cendres » (2001) jouée au Studio de la Comédie Française, « Combat de Possédés » (1999), traduite et joué en Allemagne, puis mise en lecture en anglais au Royal National Theatre de Londres, « Médée Kali » (2003) joué au Théâtre du Rond Point et « Les Sacrifiées » (2004).

Parallèlement à ce travail, Laurent Gaudé se lance dans l’écriture romanesque. En 2001, âgé de vingt neuf ans, il publie son premier roman, « Cris ».

L’année suivante, en 2002, il obtient le Prix Goncourt des Lycéens et le prix des Libraires avec « La mort du roi Tsongor », son deuxième roman.

En 2004, il remporte le prix Goncourt ainsi que le prix du jury Jean-Giono avec son roman « Le Soleil des Scorta » qui sera également un succès de librairie (80 000 exemplaires vendus entre la parution du roman et l’attribution du prix Goncourt).

Paraîtront ensuite « Eldorado » (2006), « La Porte des Enfers » (2008), « Ouragan » (2010), « Pour seul cortège » (2012). En 2015, il publie « Danser les ombres » qui se situe à Haïti lors du tremblement de terre de 2010.

« De sang et de lumière », son premier recueil de poésies, paraît en 2017.

Romancier et dramaturge, Laurent Gaudé est aussi auteur de nouvelles, d’un beau livre avec le photographe Oan Kim, d’un album pour enfants, de scénario.
*Source : Babelio


• Références :

  • Salina les trois exils
  • Auteur : Laurent Gaudé
  • Maison d’édition : Actes Sud
  • Date de publication : 03.10.2018

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