Trancher

• Le mood :

Un livre qui pose les mots sur ceux qui détruisent en silence.
Un livre qui laisse une trace sur les ravages de la violence verbale dans un couple.
Un récit que l’on lit d’un souffle, une plume très belle, sans concession.


• L’histoire :

Faire des listes depuis petite.
Pour les livres à acheter, les poneys à monter…
Et la vie qui se charge de faire ses listes pour vous.
Comment imaginer qu’un jour on puisse en venir à lister les insultes que l’on reçoit ?
Non pas d’un ennemi. Non.
Mais de l’être que l’on a choisi d’aimer.

Se réjouir du silence, du bonheur simple ensemble et des enfants.
La musique trop forte.
Lui demander de baisser le son.
Puis la violence des mots qui vous saute à la gorge et vous plante de ses crocs.
Fixer les miettes sur la table.

« Mais non, t’exclames-tu en baissant le son, on ne peut pas travailler dans ces conditions. »
Alors ça sort, sans prévenir. Personne ne s’y attend. Ni toi, ni les enfants, qui se figent instantanément.
« Je suis chez moi, quand même, alors ferme ta gueule une bonne fois pour toutes, connasse, si tu veux pas que je la réduise en miettes. »

Des miettes.
Ce qu’il reste après les mots qui vous tirent dessus.
À bout portant.
Tomber, de peur de dérailler. Encore.
Savoir que l’on devra trancher.

7 ans.
7 ans se sont écoulés depuis cette violence qui jailli de sa bouche.
Destruction massive. Arme lourde.
Mais silencieuse aux yeux du monde.
Comme un gaz, un poison inodore qui se répand.
Une honte que l’on cache soigneusement en arborant un sourire encore plus grand.

Mais sans preuve, l’esprit se dérobe.
Donner une réalité aux mots.
Les lister chaque jour.
7 ans avant, les arrêts maladie.

Gagner du temps. Mais s’épuiser toujours plus.
Décider de trancher, le 3 janvier.

« Tu t’es traîné ton mal de vivre en bandoulière, comme un sac à main. Tu l’avais choisi grand, alors autant le remplir au max. »

Décider de partir.
Et le voir hurler, se noyer dans ses larmes.
Le plus dangereux dans la peur de partir, c’est l’autre. Et sa foutue peine.
Le doute qu’il instaure par le regret. Ne pas flancher.
Trancher.

« (…)quand tu as vu que le jour avait chassé la nuit. Le son te parvenait, soudain. C’est comme si quelqu’un venait de rallumer les criquets. »

La reconquête et le cœur qui se fendille d’espoir.

« Se doutait-il un instant que rester n’empêche pas de partir ? »

Le laisser revenir un peu.
Oublier pourquoi on est partie.
Le voir dans un nouveau jean.
Avoir peur.
Peur d’une autre dans sa vie.
Et revenir pour un jean.
On est con parfois.
On se le dit plus tard. Toujours trop tard.

« Tu es revenue à cause d’un jean qui épousait parfaitement son cul. »

C’est le temps des promesses.
Il a changé. A vu un psy.
Ça ne se reproduira plus. Bien entendu.
On ne change pas les gens.

7ans de retenue.
Son désespoir qui s’excuse.
Quémander un pardon en le troquant contre un oubli.

« Tu te demandes si sa détresse te ravage autant que sa violence. »

Peut-on guérir de la violence ?
La torture d’aimer malgré soi celui qui vous détruit.
L’impuissance, l’injustice.
La honte de ce que ses enfants entendent.
Petits pois dans les oreilles pour couvrir les mots.
Ils la sauvent.
Ils la protègent.

Le plus dur ?
Trancher.
Partir ou bien rester ?


• L’extrait :

« Parce que quand on n’a pas le choix, on prend sur soi. On fait avec et on finit par s’habituer. On s’habitue à tout. À perdre, à souffrir, à manquer. Tu le sais. »



• Mon avis :

Une lecture qui a semé le chaos en moi.
Ces mots qui gangrènent, qui détruisent.
Je l’ai vécu.
L’incompréhension.
Vos forces qui s’amenuisent.
Le juste au bord de la folie parce que votre monde vacille et que personne ne voit.
Les mains tendues sont rares mais salvatrices.
Il faut trancher et ne jamais oublier.
Ne jamais accepter aucune violence.

Même une première que l’on penserait anecdotique ou la dernière.
Ça flingue un temps et puis ça vous donne une force à toute épreuve !
Ne plus jamais cesser de sourire !
Ne plus jamais se laisser approcher par aucune violence ni mépris.

Ce livre est tout simplement sublime, et d’une incroyable justesse.
Amélie Cordonnier dépose ses mots tranchants sur les pages.
Pas de pathos, jamais.
Le courage, l’humour et les rires de son personnage pour chasser les images.

Une plume qui donne une voix à cette femme.
Deuxième personne du singulier. Et c’est très fort.
On parle beaucoup de la violence physique et trop peu des plaies qu’ouvrent les mots.
Ceux-là ne laissent aucun bleus, aucune ecchymose.
Aimer, mais mal. C’est le roman d’un amour ravagé.


• L’auteur :

Amélie Cordonnier

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*Amélie Cordonnier est journaliste.
« Trancher » (2018) est son premier roman.
Chef de rubrique Culture à Femme Actuelle et Prima

*Source Babelio


• Références :

  • Trancher
  • Auteur : Amélie Cordonnier
  • Maison d’édition : Éditions Flammarion
  • Date de publication : à paraître le 29 août 2018

4 commentaires sur “Trancher

    1. Je l’ai tant aimé que je vais organiser un petit jeu concours en partenariat avec Flammarion pour sa sortie le 29 août. Je pense qu’en plus du talent de l’auteure et de sa plume remarquable, il fait partie de ces lectures nécessaires. Sur des sujets que l’on tait. Que l’on a honte d’aborder…

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