Gabriële

• Le mood :

Une plongée au cœur d’une histoire d’amour hors du commun qui raconte l’histoire de l’influence d’une femme extraordinaire ; Gabriële, sur Francis Picabia mais bien plus encore sur l’Art du XXème siècle en général.


• L’histoire :

Gabriële est une visionnaire, une femme libre à l’avant-garde. Elle gardera un lien puissant à la musique tout au long de sa vie. Elle se verra refuser le Conservatoire, les femmes n’y étaient pas admises.

Pour ne pas se voir marier de force à 17 ans elle va pourtant passer le concours d’une nouvelle école d’avant-garde. Elle y  prendra les cours de Fauré.
Une école d’où l’on ressort et recompose les opéras oubliés de Monteverdi, où l’on joue les cantates inconnues de Bach, où l’on fait revivre Rameau oublié depuis la révolution. Debussy viendra les écouter et leur donner des conseils provocateurs. Ne pas respecter les règles. Surtout pas.

L’avant-garde est en marche, et Gabriële en est. Déjà.

Elle partira à Berlin contre l’avis de ses parents et malgré la lettre de recommandation d’Indy. Ils veulent la marier mais elle a déjà épousé la musique. Trop tard.

Gabriële change à Berlin et goûte sa nouvelle liberté. Busoni sera son enseignant, le plus grand pianiste après Liszt et surtout un théoricien de l’art. C’est lui qui poussera ses élèves vers la musique électronique dont son inventeur en 1907 : Edgard Varèse.
Tout réinventer.

Ils deviendront amis. Cassant la tradition pour s’emparer non plus de la musique mais des sons et du rythme.

« Gabriële est fabriquée pour construire et défendre des idées. »

« La carrière musicale de Gabriële prit fin avec la rencontre de Francis Picabia. »

Elle allait lui sacrifier sa carrière parce qu’elle était libre.

Gabriële est aussi une révoltée joyeuse avec ce cerveau érotique qui subjuguera de nombreux hommes tels que Marcel Duchamp, Edgard Varèse, Guillaume Apollinaire, et tant d’autres.

« Marcel est tombé amoureux de Gabriële. Parfois, il est plus simple de s’aimer à trois. Deux peintres, une femme, trois possibilités. »

C’est pourtant Francis Picabia qu’elle choisit, même si jamais elle ne parlera d’amour.

« Jamais Gabriële ne parlera d’amour. Jamais elle ne dira : je l’aimais et il m’aimait. Ce qui se passe entre eux est un face-à-face d’où jaillissent la pensée et la création, c’est le début d’une infinie conversation, étymologique du terme, aller et venir sur une même rivière, dans un même pays. »

Prodige de la musique elle abandonnera donc ses sonates pour Francis. Sentant alors qu’elle a un rôle à jouer dans ce que doit devenir l’Art.

« Elle ressent une tension. Celle qui parcourt la peau quand on pénètre pour la première fois l’intimité de quelqu’un avec qui on soupçonne qu’on va seulement faire l’amour, mais peut-être partager des jours, des nuits et des années. »

Francis se fera malmener dans sa peinture impressionniste trop conventionnelle pour Gabriële.  Elle s’amusera même lors de leur première rencontre à lui faire croire qu’elle ne le connaît pas. À une période où Picabia est au sommet de sa notoriété. Elle suggère à Picabia d’inventer une œuvre venue tout droit de son esprit. Sans aucun modèle. Jailliront alors le cubisme, le machinisme (futurisme) et tant d’autres expérimentations.

Gabriële se marie. Mais la solitude prend vite la place de son mari. Lors de leur voyage de noces, Picabia la délaisse pour les bars et les billards, il se vide l’esprit pendant que sa jeune femme l’attend. Seule.

L’influence libératrice de Gabriële forcera Picabia à créer, lui qui se meut maintenant dans l’opium et devient de plus en plus myope. Il créera une couleur des sons. Fonctionner avec intuition. Il créera la première oeuvre qui ne ressemble à rien en 1909 avant Kandinsky.

Ils reviennent s’installer à Paris, Gabriële attend un deuxième enfant mais s’envole pour les soirées où il est question de grands sujets tel que le cubisme.
Picabia attire la critique et les menaces. Mais ça l’encourage.

Gabriële devient une muse, un guide, l’essentiel de Picabia pour créer. Un trio hors du commun se formera : Gabriële, Duchamp et Picabia. Tous trois font jaillir la création de la pensée, faisant de l’instinct une puissante machine créatrice. Elle deviendra l’inconditionnelle amie d’Apollinaire qui la citera même dans ses œuvres en louant son intelligence singulière.

« Voyez-vous, ma femme est une vandale. Un voyou. Qu’il est dangereux de fréquenter, car elle brise les marbres respectés par les générations passées. »

Oui, cette femme est unique. Elle endurera tout, les crises maniaco-dépressive de son Picabia, ses fugues loin d’elle, ses périodes d’euphorie, mais surtout toutes ses femmes. Elle le sait, Picabia a besoin d’elle, les femmes ne sont pour lui qu’une nourriture, un terreau d’inspiration. Mais l’amour ne peut-il pas un jour déserter ?

La guerre arrive et avec elle, tout change. Il n’est plus question d’amour intellectuel mais de sexe, de soirées enivrées. Francis aura une aventure avec une danseuse qu’il cachera à Gabriële. Les premiers mensonges arrivent. Marcel change lui aussi, la chair les attire et transforme les jeux d’esprits et les caresses en jeux sexuels.

Une femme changera tout. Irrémédiablement.

Ils auront trois enfants, dont un fils Vicente, qui se suicidera à 27 ans. Jamais le couple ne fera référence à leurs enfants, ils sont là mais leur amour de l’Art est plus fort et prend tout. L’amour de Gabriële pour Picabia l’empêche d’être mère. Une blessure de famille que les deux auteurs exorcisent pour mieux comprendre qui elles sont.


• L’extrait :

« Elle laisse aux hommes les délices des caresses de l’égo. »


• Mon avis :

Un livre incroyable où l’on part à la rencontre d’une femme qui a elle-même souhaité toute sa vie durant rester effacée à l’ombre des feux de ceux qui peignent et créent.

Elle fut le cerveau, elle fut l’esprit, celle qui apporta du sens, des mots.

J’ai été très émue de lire les notes d’Anne et Claire tout au long de leur enquête, elles se confient dans leurs découvertes qui lèvent le rideau non seulement sur cette arrière-grand-mère qu’elles n’ont pas connue mais sur ce qu’elles sont au-delà des non-dits. C’est aussi la douleur d’une mère qu’elles comprennent mieux en apprenant à connaître ce que fût ce personnage de Gabriële. Une femme incroyable mais aussi une mère dévastatrice par son absence. Gabriële Buffet-Picabia n’était pas faite pour la maternité, mais elle a donné naissance à des mouvements qui ont changé les lignes de l’Histoire de l’Art du XXème siècle. Apprendre qu’elle a fini sa vie dans le plus grand dénuement est douloureux, et pourtant cela lui ressemble. Les Picabia se foutait de tout ! Même de l’argent.

Un véritable chef-d’œuvre.

 


• Les auteurs :

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Anne Berest

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*Anne Berest est née en 1979. Elle vit et travaille à Paris.
Anne Berest est metteur en scène et ancienne rédactrice en chef des Carnets du Rond-Point.
Elle participe à la création d’ « Un pedigree » d’après Modiano avec Edouard Baer au théatre de l’Atelier.
En 2010 parait son premier roman « La fille de son père » au Seuil.
De janvier à avril 2011, elle écrit une chronique sur Paris dans le Journal du dimanche.
Elle interprète le rôle d’un médecin dans « La guerre est déclarée » de Valérie Donzelli.

*Source : Babelio

Claire Berest

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*Claire Berest est une écrivaine française, née en 1982.

Elle avait 25 ans lorsqu’elle a démissionné de son poste de professeur de français à Bobigny. De ce constat d’échec est né « Enfants perdus » (Plein jour 2014), enquête à la brigade des mineurs, pour savoir ce qui cloche chez ces adolescents indéchiffrables.

« Mikado » est son premier roman, publié en 2011. Dans son deuxième roman, « L’Orchestre vide », publié en janvier 2012, elle raconte son histoire d’amour avec le chanteur canadien Buck 65.

Claire Berest est la soeur d’Anne Berest, elle aussi romancière.

*Source : Babelio


  • Gabriële
  • Auteurs : Anne Brest et Claire Berest
  • Maison d’édition : Stock
  • Publication : août 2017

2 commentaires sur “Gabriële

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