King Kong Théorie

• Le mood :

Un cri de révolte.
Un livre d’une force incroyable.
Un cri d’extra-lucide au milieu des aveugles.
Un cri qui s’élève au milieu des diktats.
Un cri de femme qui rétablit notre place.
Celle du corps. Celle de l’intelligence.
Celle du sexe. Celle des hommes.
Elle est d’une justesse folle.
D’une rage folle et d’un courage remarquable.


• L’histoire :

« Je suis plutôt King Kong que Kate Moss, comme fille. Je suis ce genre de femme qu’on n’épouse pas, avec qui on ne fait pas d’enfant, je parle de ma place de femme toujours trop tout ce qu’elle est, trop agressive, trop bruyante, trop grosse, trop brutale, trop hirsute, toujours trop virile, me dit-on. Ce sont pourtant mes qualités viriles qui font de moi autre chose qu’un cas social parmi les autres. »

N’y voyez pas un ouvrage féministe anti-homme.
Despentes aime les hommes.
Mais pas la violence de leur pouvoir. Pas ce regard qui nous réduit.
Despentes aime les femmes.
Mais pas leur servitude. Pas leur docilité.

« Les femmes autour de moi gagnent effectivement moins d’argent que les hommes, occupent des postés subalternes, trouvent normal d’être sous-considérées quand elles entreprennent quelque chose. Il y a une fierté domestique à devoir avancer entravées, comme si c’était utile, agréable ou sexy. »

Ce livre est un appel à réagir.
À la réaction contre nous-mêmes, contre l’inertie.
Il ne s’agit pas d’être féministe. De chercher seulement l’équité.
Il s’agit d’investir simplement notre place.
De rééquilibrer les forces.

Elle dénonce que nous devions trop souvent nous excuser d’être intelligentes et cultivées en offrant nos corps aux hommes pour preuve qu’on leur appartient toujours.
Leur plaire.

« C’est l’idée que notre indépendance est néfaste qui est incrustée en nous jusqu’à l’os. »

Elle reproche un État infantilisant.
Portant notre responsabilité de femme.
Celle d’avoir laissé aux hommes le soin de décider pour les femmes en politique.
Celle de n’avoir pas su investir les terrains qui nous auraient aidé.
La femme serait-elle la première à se désolidariser d’elle-même ?

« La mère investie de toutes les vertus, c’est le corps collectif qu’on prépare à la régression fasciste. Le pouvoir qu’un État malade octroie est forcément suspect. »

Le viol comme acte fédérateur des hommes. (Je précise ici mon propos afin qu’il ne soit pas mal interprété, l’auteur parle des viols en temps de guerre et des viols collectifs mais n’amalgame pas tous les hommes.)
Ceux qui tuent les corps qui grandissent dans la peur.
Toute classe sociale confondue.
En sortir vivante, donc forcément consentante.

« Le viol ne trouble aucune tranquillité, c’est déjà contenu dans la ville. J’ai fermé le magasin et je suis partie marcher.
Ça m’a plus révoltée que quand ça nous était arrivé directement. J’ai compris à travers son histoire à elle que c’était quelque chose que l’on attrapait et dont on ne se défaisait plus. »

Parce que sortir c’est prendre ce risque.
Risquer d’être violée.
Mais vivre ou se terrer et mourir.

Un cri de femme.
Parce que la seule condition de femme nous dicte la non-violence.
Ne pas répondre. Se laisser faire.

« Le viol est un programme politique précis : squelette du capitalisme, il est la représentation crue et directe de l’exercice du pouvoir. »

Elle revient sur les années où elle a offert son corps.
Par choix.
Le manque de nuance qu’elle entend sur la prostitution.
Ce que l’on veut nous faire croire depuis la nuit des temps.

« J’étais jusqu’alors une meuf quasiment transparente, cheveux courts et baskets sales, brusquement je devenais une créature du vice. Trop classe. »

Découvrir que ces hommes ne sont pas tous violents.
Découvrir leur tristesse, leurs failles, leur solitude qui traverse autant le cœur que le corps.
On stigmatise la victime.
On l’empêche de parler.

C’est en fait une lutte politique.
Celle de faire de l’homme celui qui a de basses pulsions réductrices et destructrices.
Et d’annihiler la femme et le pouvoir de son corps dont elle pourrait tirer profit.
La conclusion est à mesurer mais pas inintéressante.

Je n’ai jamais compris pourquoi nous avions fermé les maisons closes.
Jamais compris qui ça pouvait gêner dans la mesure où le sexe relevait de l’intimité.
C’est peut-être notre seule zone de libertés absolues.
Le sexe devient alors un danger pour la cellule familiale classique.
La mère ne peut pas être une putain pour son mari.
La putain ne devrait pas être mère.

Le féminisme de Despentes n’est pas une affaire de salaire ou d’égalité.
Il est l’affaire de tous les hommes et de toutes les femmes.
Et s’il nous fallait un chaos, un nouveau foutoir pour recréer le modèle ?


• L’extrait :

« Souvent, les choses sont exactement le contraire de ce qu’on nous dit qu’elles sont, c’est bien pourquoi on nous les répète avec tant d’insistance et de brutalité. »


• Mon avis :

IMMENSE COUP DE CŒUR !
J’ai accueilli ce livre avec une excitation folle dès les premières pages.
J’ai partagé des passages du livre sur Instagram et j’ai été immensément touchée du nombre de commentaires masculins qui ont rejoint le regard de l’écrivaine, et adoré son livre.

Parce qu’en criant la révolte, parce qu’en redonnant toute sa place à la femme, en dénonçant toute l’absurdité du système c’est aussi un message qu’elle envoie aux hommes.
Ce que la politique leur dicte. Nous dicte à toutes et à tous.
Ce regard, ce changement possible doit également être porté par les hommes eux-mêmes, à nos côtés.
Et ils sont nombreux.

Virginie Despentes a cette écriture incroyablement incisive, qui vous écorche mais sait aussi vous bouleverser.
Une auteure sans concession.
Je ne pouvais m’empêcher de lever le nez à chaque page. Et de commenter ce qu’elle disait.
C’est la première fois que je lisais de si grandes vérités.
Son talent d’analyse est remarquable.
On ne peut pas ne pas lire King Kong Theorie. Ce livre est immense !


• L’auteur :

Virginie Despentes

Virginie Despentes King Kong TheorieVirginie Despentes est romancière et réalisatrice. Elle est également ponctuellement parolière et traductrice.

Candidate libre au bac, elle a fait tous les métiers : femme de ménage à Longwy, hôtesse dans un salon de massage à Lyon, pigiste pour des journaux rock et porno, vendeuse au rayon librairie du Virgin Megastore à Paris.

Sa chance tourne avec la publication de ses deux romans : Baise moi (1993, Florent Massot) vendu à plus de 40 000 exemplaires puis adapté au cinéma, et Les Chiennes savantes (1995). Elle est traduite en plus de dix langues. Son roman « Les jolies choses » (1998) est adapté au cinéma par Gilles Paquet-Brenner, reçoit le Prix de Flore. « Bye-Bye Blondie » parait en 2004, elle l’adapte et le réalise pour le cinéma avec Béatrice Dalle et Emmanuelle Béart en 2012.

En 2010, son roman « Apocalypse bébé » (Grasset) reçoit le Prix Renaudot. En 2015, elle publie Vernon Subutex 1 et 2 chez Grasset ; le tome 3 sort en 2017. Vernon Subutex 1 reçoit trois prix en 2015 : le prix Landerneau, le prix Anaïs-Nin et le prix La Coupole. Il fera l’objet d’une adaptation sur petit écran pour Canal Plus.

Elle est l’un des symboles de la littérature « trash » française.

Début janvier 2016, elle fait son entrée dans le jury Goncourt après avoir été membre du jury du prix Femina en 2015.

*Source : Babelio


• Références :

  • King Kong Theorie
  • Auteur : Virginie Despentes
  • Maison d’édition : Livre de Poche
  • Date de publication : 28.09.2007

2 commentaires sur “King Kong Théorie

  1. L’essai féministe coup de poing. Il m’avait permis, à l’époque où je l’ai lu, de prendre conscience de bien des choses (un exemple parmi tant d’autres : de notre propension à nous conformer à des canons de beauté oppressants).

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    1. Je suis bien d’accord avec toi. Ce qu’elle dit, en particulier sur la norme de la beauté pousse à une véritable prise de conscience. De notre corps. De notre propre beauté. Elle porte un regard neuf sur de nombreux sujets 🙂

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