Les amants du n’importe quoi.

• Le mood :

Si vous sortez d’une histoire destructrice avec un pervers narcissique je ne vous le recommande pas pour tout de suite. Pour les autres, vous plongerez dans une analyse de l’intensité des sentiments destructeurs d’une histoire d’amour qui n’en est pas une.

Florian Zeller manie la plume comme un scalpel de chirurgien, il est incisif et terriblement juste.


• L’histoire :

« L’amour est un isolement que l’on vit à deux. »

Voici une des pensées de Tristan, l’un des deux personnages du livre. Je vous plante le décor. Tristan est un con doté d’un narcissisme destructeur. Quand à Amélie…malheureusement pour elle, ce qu’a fait d’elle son enfance l’aura précipité dans la gueule du loup. Ou comment tomber amoureuse de celui qui était tout indiqué pour être un bourreau des coeurs. Je vous le résume en quelques lignes très vulgairement. Mais attention, ce roman n’a rien de vulgaire, Florian Zeller est allé puisé loin dans les sentiments.

Ce roman est construit en deux parties. La première où l’on suit les pensées de Tristan « Première Sphère » et la seconde « Deuxième sphère » où l’on suit plutôt celles d’Amélie pour finir avec les deux personnages imbriqués. Florian Zeller est notre narrateur et intervient comme s’il avait été le témoin de toute l’histoire. Il nous raconte la rencontre de Tristan et Amélie.

« Les débuts d’une histoire à deux prennent souvent l’apparence de la magie. En réalité, il s’agit du moment le plus pesant, le plus décisif. »

Tristan est depuis toujours un coureur et n’a jamais souhaité s’enfermer dans une relation. Amélie elle, effacée, n’a eu de cesse de chercher celui qui pourrait la sauver d’elle-même.

Ils se rencontrent et tout bascule.

Tristan s’attendri de l’idée de l’amour. Il se convainc d’être amoureux puis en doute l’instant d’après. Confondant les souvenirs qu’il se fabrique avec une femme et l’amour qu’il croit lui porter. C’est un être destructeur incapable de supporter le bonheur, pas même de ses amis. Tellement sur lui-même qu’il en est incapable d’aimer. Il court après ce qu’il n’aura jamais. Je l’ai parfois compris, et pourtant, à chaque page détesté.

Amélie, elle, fait partie de ces femmes qui se mettent continuellement en situation de danger afin d’attirer l’attention. Physiquement comme psychologiquement. En restant avec Tristan malgré son intuition dès les premiers instants qu’il ne lui serait jamais fidèle, elle embrassait son futur bourreau. Amélie avance dans la vie tel un fantôme. Se complaisant dans son rôle de victime. Fille d’une mère abandonnée par son mari, elle traîne le lourd héritage du « règne despotique du chagrin maternel. »

Sa peur de la solitude a nourri la peur de sa mort. Amélie ne voulait plus être seule. Motivation qui pousse le plus souvent à de mauvaises rencontres…

« On est attendri pour une femme quand on la trouve digne d’être aimée – mais qu’on ne l’aime pas. »

Zeller navigue aux tréfonds des subtiles différences entre amour et tendresse. Il passe au crible les sentiments masculins. Les vices et les désirs. La perversion du sentiment amoureux quand il n’est vécu que par le spectre de la nostalgie, une fois que l’on a tout détruit.

Et qu’il ne reste que les souvenirs que l’on se fabrique d’une histoire qui puait l’ennui.


• L’extrait :

« Pendant le dîner ils discutèrent de ce dont il faut discuter pour que l’on finisse sans pudeur dans un lit. Les reliques de la civilisation. Faire le raffiné, le doux, l’intelligent. Je déteste mon époque. »


• Mon avis :

J’ai beaucoup aimé ce roman de Zeller. Sa construction est directe, sans détour. L’analyse est fine.

Il y pose des questions et dresse des portraits de personnes que l’on a déjà pu croiser. Certains mêmes se reconnaîtront peut-être dans certains passages de vie de ces deux êtres.

Qu’est-ce qui nous pousse à rester alors même que nous avons cette puissante intuition de l’autre dès les premiers instants ?
Qu’est-ce qui fait qu’Amélie persiste alors même qu’elle sait que Tristan la trompera sans relâche ?
Le désir de se punir soi-même sans doute. De se faire du mal. De se mettre encore dans une situation où elle n’aura de cesse d’attendre d’être sauvée.

Zeller confronte ici toute l’intensité des sentiments, des doutes et des fêlures profondes à la fugacité de nos vies.


• L’auteur :

Florian Zeller.

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*Florian Zeller a grandi en Bretagne. Son père travaillait dans l’industrie automobile en France et en Allemagne.

Il a été élève de Sciences Po Paris, où il écrit son premier roman « Neiges Artificielles », reconnu par le monde de la critique. Il enseignera ensuite la littérature à Sciences-Po pendant plusieurs années.

Sa réputation d’auteur se fait avec la publication de « La Fascination du Pire », Prix Interallié en 2004 et qui explore la relation entre l’Occident et l’Islam, à travers le voyage en Égypte du narrateur.

Il est en outre metteur en scène, convaincu par Françoise Sagan de se mettre à l’écriture théâtrale, il écrit d’abord, « L’Autre », puis « Elle t’attend ». Il a enfin été critique littéraire pour l’émission télévisée Vol de Nuit, diffusée jusqu’en 2008 sur TF1.
En septembre 2012, Robert Hirsch crée sa septième pièce, » Le Père », qui rencontre un très grand succès et obtient plusieurs Molières en 2014.

Florian Zeller reçoit le prix de la Rentrée 2012 pour « La jouissance » dans le cadre des Prix Les Lauriers Verts de La Forêt des Livres organisée par Gonzague Saint-Bris.

Il est le compagnon de la comédienne Marine Delterme. Ils se sont mariés le 5 juin 2010 et ont un fils, Roman, né en décembre 2008.

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