
• Le mood :
Un roman noir absolument grandiose sur ces enfants morts dans les maisons d’éducation surveillée française.
Une ignominie du XXème siècle révélée sous la plume délicate de Jean-Christophe Tixier.
• L’histoire :
« Il se prend à espérer que jamais la bâtisse ne s’effondrera. Car il sait que tant qu’elle sera debout, ses murs épais garderont la mémoire de ce qu’ils ont vu et entendu. »
Il y a ces histoires que l’on a préféré oublier,
Que l’école nous tait, que la France enfouit.
L’auteur réveille les fantômes de ces enfants morts en martyrs.
Dans le plus grand silence, malgré leurs cris.
Ce roman polar prend racines dans de vraies archives.
Celles qui nomment froidement, factuellement,
Les noms de chacun de ces gosses de 8 à 14 ans,
Enfermés dans ces bagnes, pour de minimes larcins.
Ces enfants décédés à peine deux ans après leur entrée,
Torturés par des adultes dont le coeur avait cessé d’exister.
1884, dans les Cévennes, des gamins hâves quittent leur bagne.
Une maison d’éducation surveillée qui ferme ses portes.
Sous le regard des villageois et paysans.
Tous coupables.
Dans le froid de l’hiver l’horizon se dessine.
Les souvenirs affluent.
Les coups, la peur, la faim,
Le Ptiot échappé que l’on espère encore en vie.
Le gardien qui visitait chaque nuit une des cellules…les cris étouffés.
Un cortège funèbre d’enfants brindilles aussi fragiles que la neige.
Blanche se souvient de ces visages.
Aujourd’hui elle veille sa jument mourante.
Allongée à l’endroit même où son oncle la viole chaque jour.
La nausée la prend. La rage la tenaille.
« L’heure a sonné. Et chacun va récolter ce qu’il mérite. »
Etienne, lui, garde les chèvres de son maître Léon.
Dont une à qui il a donné le nom de cette ancienne marâtre du Bagne.
La Cruère, qui récupère des enfants de la DASS pour en faire ses esclaves.
Perdu dans ses pensées,
Les chèvres s’échappent et entre dans le cimetière des enfants du Bagne.
Une malédiction est à l’oeuvre qui pourrait tous les frapper.
La mort se réveille, la maladie.
Le feu prend sur les coeurs aussi secs que la paille.
Il vient nettoyer la Terre salie,
De ces enfants morts bannis.
Tous savaient.
Morluc, le médecin.
Jeanne, Ernest et le curé…
« Le brouhaha ambiant ne suffit pas à couvrir les plaintes sourdes et déchirantes qui hantent son esprit. Les enfants du bagne dont elle a cru le souvenir endormi viennent de quitter leur tanière et rôdent désormais et recommencent à la ronger de l’intérieur. »
Parmi ceux qui seront punis il y a les coupables, les bourreaux, ce qui savaient mais n’ont rien fait, ceux qui ont su et ce sont tu, ceux qui continuent l’horreur dans l’ombre…
L’alcool ne sauve aucune âme.
• L’extrait :
« Pierre Roch Combres, né à Lascottes (Tarn) le 19 août 1859.
Jugé le 16 février 1872 pour attentat à la pudeur sans violence.
Condamné selon l’article 66 à de la correction jusqu’à ses 18 ans.
N° d’écrou : 795. 1,62m à l’entrée.
Antécédents bons sous tous les rapports. La famille vit dans une certaine aisance. Elle jouit d’une bonne réputation.
Causes de la sortie : Décès le 2 mars 1873.Extrait des registres d’écrou de la Maison d’éducation surveillée à Vallhauquès, archives départementales de l’Hérault,
Cotes 2Y 792, 2 Y 793, 2 Y 794 »
• Mon avis :
Un roman noir aussi bouleversant que captivant !
Je ne suis pas polar et pourtant la langue de Jean-Christophe Tixier m’a totalement conquise.
Chaque chapitre s’ouvre sur les registres d’écrou de maisons d’éducation surveillée.
À chaque chapitre, un enfant décédé dans ces bagnes français.
L’histoire se tisse dans la lenteur, la tension qui vous prend.
L’auteur décrit des terres désolées dont personne ne s’échappe.
L’amour y est inexistant malgré ces enfants qui souhaiteraient aimer.
Un texte de l’effroi, des lâchetés et d’un ordre social français abominable qui a un jour existé.
• L’auteur :
Jean-Christophe Tixier

*Jean-Christophe Tixier est un écrivain français.
Après une filière scientifique, il se dirige vers l’économie, qu’il enseigne ensuite pendant vingt ans, dont seulement cinq à temps complet. En parallèle, il a travaillé dans l’insertion, dirigé un collège, créé des sites au tout début de l’aventure internet, élaboré des plaquettes publicitaires…
Il se consacre aujourd’hui entièrement à l’écriture.
Il est le créateur et responsable du salon polar Un Aller-Retour dans le Noir, qui invite chaque année à Pau, le premier week-end d’octobre, 25 auteurs français et étrangers.
Après la publication de plusieurs nouvelles, il fait paraître en 2010 son premier roman, « Dernière Station », grâce auquel il est lauréat du Grand prix VSD du polar 2010 – Prix des lecteurs.
(*Source : Babelio)
• Références :
- Les mal-aimés
- Auteur : Jean-Christophe Tixier
- Maison d’édition : Albin-Michel
- Date de publication : 27.02.2019
Je lis relativement peu de romans noirs aussi, mais tu en dis tellement de bien, et la thématique m’intrigue !
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