David Von Grafenberg – Interview •Madame de X•

Bonjour David, un grand merci d’avoir accepté de répondre à mes questions. 

• Madame de X. est votre troisième livre, mais votre biographie dit de vous que vous êtes également un créateur de mode.
D’où vous est venu ce besoin d’écrire ?

D.v.G : J’ai toujours pensé qu’un vêtement sans roman est sans âme. Un vêtement qui a été créé sans vision des choses, sans parti-pris, sans histoire n’est qu’une sape dont on se lasse comme d’un bubble gum.

Mais le jour où je me suis aperçu, me concernant, que l’histoire prenait le dessus sur le vêtement, alors j’ai compris qu’il me fallait écrire. J’ai longtemps refusé de m’avouer cette évidence car j’avais été très, mais vraiment très mauvais en français à l’école. J’ai donc écrit sans y prêter attention, l’air de rien, jusqu’à ce que je me décide de m’y mettre vraiment.
Toutefois mon éducation, mon regard, c’est à la mode que je le dois.


• Votre roman Madame de X. est parfaitement bluffant. Vous arrivez à vous fondre dans le corps et l’esprit de cette femme de manière incroyable. D’où vous est venue cette histoire ?

D.v.G : L’histoire je l’ai imaginée, comme on rêve d’une vie. Mais elle m’a été inspirée par mes amies, par leurs confidences, par tout ce temps ensemble, le soir, en tête à tête, à boire des verres à la terrasse de cafés. A travers l’écriture je voulais prolonger ces moments. Et en faire un livre d’espoir, comme lorsqu’après une soirée on repart le cœur léger.



• Cette idée de rupture, de reconstruction des femmes quarantenaires, mères de famille, est-ce un thème qui vous fascine ?

D.v.G : Qui me fascine, non. Mais qui me touche. Je suis admiratif de la force de ces femmes, de leur courage dont on parle trop peu. Et de celles qui parviennent à reconstruire leur vie, se dégage une lumière très belle, très émouvante. Une beauté rayonnante, la plus belle à mes yeux. C’est très inspirant.




• Votre livre met beaucoup en parallèle cette jeunesse connectée, sophistiquée face au besoin de la femme quarantenaire de s’affranchir de tout superflu.

Pour vous, auteur mais aussi créateur de mode, à quoi reconnaissez-vous une femme épanouie ?

D.v.G : A l’évidence de sa beauté, de son sourire, de ses mouvements que vous percevez avant de prêter attention à sa tenue vestimentaire, son sac à main, ses chaussures. Il se dégage d’elle une lumière bien plus élégante que celle procurée par les artifices habituels. Une assurance joyeuse, franche et claire.



• Vous faites plusieurs allusions à Sonia Rykiel dans votre livre, est-elle pour vous une icône de la véritable liberté féminine ?

D.v.G : Elle a su trouver un geste justement, une liberté d’être qui est fascinante. Au point de devenir un modèle pour un grand nombre de femmes.

Sonia Rykiel a mis un pull en velours éponge noir, des strass, une jupe dont elle n’a pas fait l’ourlet. Elle a pris un livre dans les mains et elle a décrété que pour elle l’élégance c’était ça. Elle s’est affranchie de tous les codes de bienséance, de toutes les règles. Elle l’a fait avec une telle évidence  que ça en est devenu hypnotisant.

Essayez de vous imaginer au mariage de votre cousine dans un ensemble en velours éponge sur lequel vous auriez cousu quelques strass… C’est d’un confort inouï, d’un chic fou mais je vous laisse imaginer le nombre incessant de regards interrogateurs quand ils ne sont pas réprobateurs que cela va susciter…

Alors oui, la force de Sonia Rykiel est impressionnante.



• Sonia Rykiel était également une grande amoureuse, une séductrice. Vous a-t-elle inspiré pour le personnage d’Anne, celle qu’elle aspire à être tout au fond d’elle ?

D.v.G C’est la question du modèle. Anne n’en a pas. Et sa difficulté consiste à être sur un chemin qui n’est pas balisé, d’être sur une route sans indications précises. Son seul guide est son instinct.

Au début du roman, voir l’interview de Catherine Deneuve place Saint Sulpice, va lui permettre d’apprendre l’élégance décomplexée. C’est son premier pas vers la libération et l’acceptation de soi, ensuite elle navigue à vue. J’ai fait comme elle : sans modèle et à l’instinct.



• Cette interdiction d’être soi, les normes dévastatrices, cette bourgeoisie des apparences ; c’était un thème important pour vous ?

D.v.G Oui, mais je voulais surtout montrer le parcours, les étapes, les embuches qu’il faut surmonter pour se libérer de tout ce qui n’a pas lieu d’être. Je voulais être sincère et juste. Et contrairement à ce que laissent supposer les livres qui tentent de vous apprendre le bonheur les parcours ne sont jamais linéaires et évidents. C’est chaotique et riche en rebondissement. Ça secoue et c’est difficile. Mais ça vaut tellement la peine !



• Ce livre nous offre à lire une machination machiavélique. Ce personnage d’Ale, le rôle qu’elle allait jouer dans la vie d’Anne, vous l’aviez en tête dès le début de votre écriture ? 

D.v.G : J’avais l’idée d’une rencontre, d’une complicité qui dépasserait toutes les règles. Le personnage d’Ale m’a été inspiré par des filles que je vois de loin et que je trouve toujours incroyablement belles mais dont je n’ose jamais m’approcher.

Je sais bien que tout le monde trouve cette machination redoutable et machiavélique. Moi j’y vois aussi un geste amoureux immense… Mais non, je n’avais pas tout ça en tête en commençant à écrire. J’étais, au départ, surtout concentré sur l’émotion que m’inspirait Anne.



• Où écrivez-vous ?

D.v.G : J’écris au café, tous les matins et tous les après-midi. C’est mon plus grand luxe. J’écris, je réfléchis et regarde les gens passer. J’échange parfois des sourires, des petits signes de la main. C’est une vie de quartier, très simple et heureuse.



• Avez-vous de futurs projets d’écriture ?

D.v.G : Oui, je viens de finir la première version d’un nouveau roman. C’est à nouveau l’histoire d’une femme qui…





• Si vous deviez citer un ou plusieurs livres qui vous ont plu dernièrement ?

D.v.G : Je retiendrai Sentinelle de la Pluie de Tatiana de Rosnay, que j’ai trouvé d’une justesse à toute épreuve. J’ai été d’autant plus touché que j’y fais une petite apparition …



• Si vous deviez citer LE livre de votre vie, quel serait-il ?

D.v.G : J’ai oublié. Comme en amour, je ne pense qu’à la prochaine rencontre…


• Références :

 

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