Un fils parfait

• L’auteur :

Mathieu Menegaux.

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*Mathieu Menegaux est écrivain.
Son premier roman, « Je me suis tue », publié chez Grasset en 2015 et Points en 2017, a obtenu le prix du premier roman des 29e Journées du Livre de Sablet.
En 2017, il revient avec « Un fils parfait ».

*Source : Babelio


• Le mood :

Un sujet lourd et poignant : l’inceste.
Un roman brillant qu’il faut lire lorsque tout va bien. Mais un roman qui doit être lu.


• L’histoire :

Rien ne dépasse. Tout est lisse.
Maxime est un mari parfait, aimant. Un père très présent pour ses deux filles : Claire et Lucie.
Une grande carrière et de brillantes études. Le tableau parfait…

Un jour Daphné, sa femme, découvre l’inimaginable, l’indicible, qu’il va pourtant falloir crier. Crier pour être crue, crier pour être entendue, crier pour sauver ses filles.
L’horreur a un nom ; il s’appelle Maxime.

Ce roman n’est autre que la lettre de Daphné à Élise, la mère de Maxime.
Qui d’autre mieux qu’une mère peut comprendre les hurlements d’une autre louve, les crocs et les batailles qu’elle sera prête à mener jusqu’au bout pour protéger ses enfants ?
Si Daphné ne peut plus rien changer à ce qui a été fait, il faut que la mère du monstre sache. Que ses actes soient compris, que les aveugles recouvrent la vue, que le coupable soit puni.

Daphné a été une de ces femmes qui en plus de leur rôle de mère avait besoin de se sentir accomplie et épanouie dans leur carrière. Soutenue par Maxime dans son désir de prendre un poste très important qui la fera voyager toutes les semaines loin de la France et de sa famille ; Daphné bien que fatiguée se sent comblée.

Son mari est un tel soutien…La cuisine, le ménage, l’éducation de Claire et Lucie, l’organisation de toute la petite famille. Non, ce schéma est parfait. Même si Daphné manque à ses filles, mieux vaut qu’elles voient moins leur maman mais que quand elles la retrouvent ; elles aient face à elles une mère heureuse et épanouie dans son métier de working girl…
Mais parfois, s’éloigner de la tanière comporte bien des dangers.

Un jour Daphné revient de voyage, puis Claire son aînée, tente un ultime recours pour être sauvée :
« ne me laisse pas maman, le loup vient quand tu n’es pas là ».

Les propos finissent par être plus clairs.
Le doute est assaillant. On suit alors le long cheminement de culpabilité et de doute d’une mere en proie à la peur d’accuser un père de la chose la plus grave qui soit mais également à l’angoisse de ne pas écouter une petite fille qui tenterait de faire cesser une ignominie perpétrée sous son toît.

Comment savoir ? Claire dit-elle la vérité ? A-t-elle peur des représailles de son père ? Le doute seul n’est plus supportable, il faut agir. Il faut partir. Protéger ses filles coûte que coûte quitte à passer pour folle, hystérique. Qu’importe. C’est les crocs de la louve qui parlent.

On découvre alors l’enfer qu’a vécu cette mère broyée au cœur d’une machine judiciaire corrompue, ulcérée, absurde. Des lois baffouant les pires crimes, les chuchotant plutôt que d’y mettre un nom.
Oui, ce roman est un cri du cœur contre les incohérences de notre système judiciaire et juridique.
J’y ai découvert l’absurdité des lois en France.
L’absence totale du mot « inceste » dans la constitution et ses lois.
La tumeur est immense.
Un violeur est en liberté.
Celle qui veut protéger ses filles ; les victimes, est mise en garde à vue, puis internée en hôpital psychiatrique.

Où est la logique ?
Qui protège qui ?


• L’extrait :

« J’ai encore les relents de la nausée qui m’a envahie. Le goût de la bile noire qui remonte à la surface et vient heurter le clapet de l’œsophage. J’avais laissé faire ça. Je n’avais rien vu. Mon mari, votre fils, était un père pervers, agresseur, sans plus de doute, cette fois, et Lucie pourrait en témoigner. J’étais horrifiée. Dans le même temps j’étais soulagée de ce poids de l’incertitude qui me paralysait. Le questionnement laissait place à la rage, Élise. Il ne me suffirait certainement pas que mes filles soient en sécurité avec moi. Non, il fallait aussi que votre fils paye pour son ignominie, cet enfoiré devrait croupir en prison et je ne trouverais pas le repos avant que justice soit rendue. »


• Mon avis :

Un roman d’une intensité rare. Une plongée qu cœur de l’horreur.
J’ai eu du mal avec les images que mon cerveau fabriquait malgré moi en lisant ces lignes.

J’ai été révoltée, écoeurée.

Ce que Mathieu Ménegaux démontre c’est que c’est finalement à la victime de prouver qu’elle l’a été et non plus au criminel de prouver son innocence.
Des absurdités comme le fait qu’au delà de 5 ans un enfant doit témoigner que ce viol avec un parent n’était pas consenti. Comment pourrait-il l’être ? Un adulte pourrait donc voir sa peine réduite s’il était décrété par la justice que l’enfant l’eut séduit ?!!! On marche sur la tête. Les lois n’ont aucun sens… c’est juste révoltant !

L’auteur réussi avec force et brillo à prendre corps dans un personnage féminin en lui rendant toute sa sensibilité, sa rage, sa pudeur, ses doutes, ses défauts, ses erreurs, sa terrible culpabilité.
J’ai été, dès les premières lignes, happée par sa plume mais également par le récit. Il emmène le lecteur avec lui, là où la société ne souhaite pas s’aventurer. Vous n’avez pas le choix. Vous ne pourrez pas fermer les yeux. L’écrivain entre en vous avec fracas, bousculant tout sur son passage. Il n’est plus question de se taire ou d’employer de petits mots pour dire les grandes horreurs. L’auteur expose. L’auteur explose au travers de cette mère capable de tout et ramène son récit fictif à notre réalité dans les toutes dernières pages. Un poing au cœur.

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