
• Le mood :
La virtuosité de la profondeur de la pensée mêlée à un humour fin qui porte chaque page du récit.
Une femme divorce et nous raconte le drame parfait et banal de la vie maritale à la libération de soi pour enfin ÊTRE.
• L’histoire :
« La liberté n’est jamais libre. Quiconque s’est battu pour être libre sait ce qu’il en coûte. »
Le début du roman pose son thème.
Une jeune fille seule raconte une blessure de sa vie à un voyageur au Mexique.
Il ne l’écoute pas.
Exister pour une femme est un droit acquis, mais difficile.
« Je regrettai qu’Emily Dickinson se soit envolée avant d’avoir connu la gloire.
Je savais ce que ça faisait d’être sous-estimée et combien, ainsi qu’elle nous le disait, l’espoir est cette chose qui porte un costume de plumes et inlassablement chante malgré le découragement et la
négligence. »
Cet espace de soi face à l’autre.
Cet espace POUR soi et pour personne d’autre.
L’auteure nous offre ici un roman autobiographique puissant.
Je l’ai dévoré comme un Annie Ernaux et [Sa] Vie.
En ai goûté à chaque page la profondeur en repensant à V. Woolf et [Sa] Chambre à soi.
« Déployer les idées à travers toutes les dimensions du temps est la grande aventure d’une vie passée à écrire. Sauf que je n’avais nulle part où écrire. »
Un divorce, une séparation entraîne forcément une mutation de notre être.
Mais qui devenons-nous une fois cette rupture avec la société ?
Avec le concept de couple marital ?
Devient-on ou redevient-on ?
Comment évolue notre regard sur la féminité ?
« Quand l’amour commence à se fissurer, la nuit tombe. Elle est interminable. Elle déborde de mauvaises pensées et d’accusations. »
Devenons nous chaman ?
Cet être mi-homme mi-femme en se réappropriant des tâches que l’on octroyait aux hommes ?
Comme déboucher un tuyau de plomberie en nuisette noire avec un pardessus de veste de facteur.
Pour écrire cette rupture à l’autre, ce retour à soi,
Deborah Levy émigre dans le jardin d’une amie.
Le cabanon d’un ancien poète, pour elle-seule.
Elle devient « la femme tapie dans le jardin ».
Pour écrire il faut un lieu à soi.
N’être dérangée sous aucun prétexte.
« Mon cabanon était tranquille, silencieux et sombre. J’avais renoncé à la vie que je m’étais imaginée et je crois que pour ma part, c’était à peu près tous les jours que j’étais dépassée. »
Tenter d’être soi quand nous sommes malgré nous toujours les autres.
Se conformer, tenter de ressembler à, même dans nos différences.
Une route à soi peut effrayer.
L’auteure revient sur son histoire avec son mari.
Amour à coeur perdu.
« Alors que dans mon nouveau foyer tout avait littéralement rapetissé (à part les succulents), ma vie s’est agrandie. »
Si le sujet est empreint de gravité,
On goûte une plume pleine d’humour à chaque page.
On passe d’un poulet rôti écrasé sur la route, au cabanon, en passant par le congélateur, à la colline londonienne puis par le vélo électrique et la loi de la gravité avec son observation des pommes qui tombent.
Sous nos yeux ; le présent d’une auteure débordée qui tente d’écrire,
de payer les charges de son appartement aux couloirs décrépit et de nourrir ses enfants.
« Se désengager de l’amour revient à vivre une vie dénuée de risque. À quoi bon vivre, dans ce cas ? »
De Beauvoir telle une muse.
Amoureuse et pourtant radicale dans son voeu de souhaiter que rien n’entrave l’écriture.
Ni l’enfant ni le foyer commun.
« Il est si mystérieux de vouloir supprimer les femmes. C’est encore plus mystérieux quand les femmes veulent supprimer les femmes. Je suis obligée d’en conclure que nous sommes si puissantes qu’il nous faut sans cesse être supprimées. »
Pourtant il y a des amours qui se fraient des chemins telles les guerres.
L’amour d’une mère.
Déborah Levy nous dit que les mères sont sans doute les êtres que nous trouvons les plus fous dans nos vies.
Si proches et pourtant si lointaines.
Nous n’appartenons qu’à un morceau de leur vie.
Que peut bien vouloir désirer une femme, une mère, hors des désirs qu’on lui prescrit depuis des siècles ?
S’en affranchir est une guerre.
Nous le savons.
• L’extrait :
« Le chagrin n’a pas de siècle. »
• Mon avis :
J’ai savouré chaque mot de Deborah Levy, chacune de ses pensées couchées sur le papier.
Avec elle, pas de pleurnicherie ni de pathos dégoulinant !
J’ai adoré son humour, sa rage contre les virgules et son intelligence.
Croiser l’humour et la profondeur est assez rare pour être remarquable.
Je dois vous avouer que si j’avais aussi arrêté de chroniquer mes lectures c’était par une certaine lassitude d’ouvrir un livre sur deux de la RL et d’y trouver du Ouin-Ouin à en beurrer un paquet de cracottes entier !
Je ne juge pas ceux qui aiment ça hein, mais j’ai besoin de plonger dans ce qui fonde la littérature : la langue, l’apport d’une pensée, d’un style, pour moi c’est vital.
Et ici, même si l’on parle de séparation, de rupture, la hauteur prise et l’angle d’écriture sont absolument délicieux !
• L’auteure :
Deborah Levy*

Dramaturge, romancière et poète Deborah Levy est né en 1959 en Afrique du Sud.
Deborah Levy, née le 6 août 1959, est une romancière, dramaturge et poétesse britannique. Elle s’est d’abord concentrée sur l’écriture pour le théâtre — ses pièces ont été mises en scène par la Royal Shakespeare Company — avant de se concentrer sur la fiction en prose. Ses premiers romans comprennent Beautiful Mutants, Swallowing Geography et Billy & Girl. Son roman Swimming Home a été dans la shortlist du Prix Booker en 2012 et The Man Who Saw Everything fut dans la première sélection du Prix Booker en 2019
littérature.
*Source : Babelio
• Références :
- Le coût de la vie
- Auteure : Deborah Levy
- Maison d’édition : Éditions du sous-sol
- Date de publication : 20.08.2020