
• Le mood :
Un texte difficile par les répliques qui ne se répondent pas, mais sublime par sa poésie, sa rage d’amour, sa colère de vivre, son désespoir et sa folie.
• L’histoire :
Si Manque de Sarah Kane est un texte rendu difficile par les répliques des personnages qui ne se répondent pas,
Elle se suivent comme une symphonie humaine
Que l’on finit par prendre au vol,
En s’y agrippant.
« M – Je raconte partout que je suis enceinte. On me dit Mais t’as fait comment, qu’est-ce que tu prends ? Et moi je dis J’ai bu une bouteille de porto, fumé pas mal de clopes et baisé un inconnu. »
Quatre personnages nommés par quatre lettres : A, C, M, B.
Des répliques sans filtre, parfois violentes qui nous arrivent de front !
« C- Il y a trois étés, j’étais en deuil. Personne n’est mort mais j’ai perdu ma mère. »
Un désespoir de vivre, une colère,
L’amour qui prend et l’amour qui reprend.
Détruisant tout sur son passage.
C- est tombé amoureuse d’un inconnu.
A nous parle de pédophilie, de violence.
Une discussion à quatre voix commence.
Des cœurs déchirés, déchirants.
M- n’a pas d’enfant.
Elle fait partie de ces femmes dont on ne saura jamais rien.
Ne laissant presque aucune trace de son passage.
La solitude effrayante des vies.
« M- L’absence dort la nuit entre les immeubles. »
« M- je ne veux pas vieillir et me refroidir et finir trop pauvre pour pouvoir encore me teindre les cheveux. »
B- nous parle de ces messages génétiques qui passent par le sang.
La mémoire du ventre.
« B- Mais ce n’est pas le cas de mon paternel. Il a eu le nez écrasé dans un accident de voiture à dix huit ans. Et voilà le résultat. C’est une impossibilité génétique, mais le fait est là. On passe ces messages plus vite qu’on ne pense par des voies qu’on ne pense pas possibles. »
Les coeurs se répondent dans la colère d’être en vie.
Dans la vérité du manque.
Dans l’impossibilité d’être soi.
Les voix monologuent dans cet espace pour quatre.
Qui sont les hommes qui sont les femmes ?
Quels sont leurs liens sinon la déchirure de vivre la manque d’amour ?
Le manque de l’autre.
« A – Il n’y a pas de secrets.
M- Il n’y a que des aveugles.
A- Tu es tombée amoureuse de quelqu’un qui n’existe pas. »
La déception de l’amour contenue dans un texte proche de la folie.
Certains mots reviennent comme un refrain.
Chaque personnage chancelant à son tour.
La langue au service des mots et des ténèbres.
L’avant dernière pièce de l’auteure avant sa pendaison un an plus tard.
• L’extrait :
« C – mon vrai manque c’est le blanc sur noir et blanc, mais j’ai des pensées qui défilent en technicolor et ça m’incite au réveil, et mon cocon d’invisibilité disparaît à chaque fois qu’il doit m’emmitoufler dans la chaleur du rien. »
• Mon avis :
Un texte poétique comme venu du Royaume des morts.
En un écho suffoquant de voix graves et blessées.
Morceaux de vies détachées et pourtant si proches.
Sondant la perte de sens.
Le pourquoi caché en chaque blessure.
En chaque manque auquel il nous faut pourtant survivre.
La mère.
L’autre.
Soi.
• L’auteur :
Sarah Kane*

*Nationalité : Royaume-Uni
Né(e) à : Brentwood, Essex , le 03/02/1971
Mort(e) à : Londres , le 20/02/1999
Biographie :
Sarah Kane est une dramaturge britannique.
Elle a étudié le théâtre à l’Université de Bristol, dont elle fut brillamment diplômée en 1992, puis à l’Université de Birmingham dans la classe du dramaturge David Edgar.
C’est là qu’elle commence à écrire pour le théâtre et qu’elle acquiert une expérience de metteur en scène et d’actrice en jouant le rôle de Bradshaw dans la pièce d’Howard Barker, « Victory » (1983).
En 1995, alors que Sarah Kane n’a que 23 ans, « Anéantis » (Blasted) est créée au prestigieux Royal Court de Londres. Elle a mis en scène en 1996 « L’amour de Phèdre » (Phaedra’s Love) au Gate Theatre à Londres puis en octobre « Woyzeck » de Georg Büchner.
Sa troisième pièce, « Purifiés » (Cleansed), fut créée au Royal Court Theatre en 1998. La même année, plus précisément à l’occasion du festival d’Édimbourg en août 1998, a eu lieu la création de « Manque » (Crave).
Ses pièces voyagent (mises en scène en Belgique et en Allemagne), son travail est de plus en plus apprécié. Mais Sarah Kane ne va pas bien. Elle est admise à l’hôpital.
Sa dernière pièce, « 4.48 Psychose » (4.48 Psychosis, 2000), est une œuvre posthume. Le titre fait référence à 4h48 du matin, heure où elle se réveillait et où le désespoir se faisait le plus fort.
« 4.48 Psychose » a été joué à Villeurbanne au Théâtre National Populaire, intégralement interprété par Isabelle Huppert, en 2002.
Sarah Kane se suicida à l’âge de 28 ans (en se pendant avec ses lacets dans les toilettes d’un hôpital), quelques semaines après avoir achevé la rédaction de « 4.48 Psychose », pièce qui sera publiée un an plus tard.
Lue et jouée depuis un peu partout dans le monde, Sarah Kane est devenue un classique du théâtre contemporain.
*Source : Babelio
• Références :
- Manque
- Auteure : Sarah Kane
- Maison d’édition : Éditions de L’Arche
- Date de publication : 24.06.2002