
• Le mood :
Si vous êtes romantique, que vous aimez les belles lettres, qu’au fond de vous sommeille cette âme de révolté face aux injustices, que vous aimez parler tard, la nuit…Alors lisez Et vous m’avez parlé de Garry Davis !
• L’histoire :
« Le rêve d’une vie n’a pas d’origine. Il ne s’invente qu’à partir de soi-même. »
Ils ont la nuit devant eux.
C’est un soir d’été à Guéthary.
Lui, jeune militaire assoiffé de livres et de poésie.
Elle, Julia, amoureuse de la littérature.
Pas les romans, non.
Elle aime apprendre, être bouleversée.
« Tel l’amour, le souvenir est stendhalien, n’est-ce pas ? Il cristallise et se dépose en nous à la façon de sédiments de cubes gemmes aux arêtes étonnamment uniques comme celles des flocons dans les microscopes ou les dessins d’enfants. »
Il regarde ses mains voleter comme des oiseaux.
Son caractère impétueux,
Qui dresse sa beauté plus noblement encore.
« (…) j’étais jeune et amoureux, je durcissais ma cuirasse à coup de livres que je dévorais.»
Leurs histoires se mêlent.
Lui rougissant,
Trahissant la séduction qu’il joue et déjoue.
Elle voit en lui un homme aux pensées sombres…
Qui n’a plus comme rêves
Que ses désillusions,
Et désirs évanouis.
« Nous ne sommes jamais qu’à la croisée exacte de tous les chemins possibles. Vous, moi, nous ne sommes jamais que carrefours. »
Julia se dit qu’il lui rappelle un homme.
Garry Davis ; le sujet de son livre.
« Et lui, qui est-il ? Qui est Garry Davis ? Pourquoi ce leitmotiv d’objections à mes désenchantements ? »
Commence alors une forme de narration étonnante.
Leurs dialogues sont retranscrits
Sous son seul spectre à lui.
Il nous dicte, comme au théâtre,
La scène qui se déroule sous nos yeux.
Forme littéraire surprenante et poétique.
« Heureusement, j’ai compris depuis lors que tout cela n’est qu’un leurre, et l’amour lui-même une illusion. Aujourd’hui j’ai enfin appris à suivre, seul, la boussole de mes uniques caprices sans rien attendre de personne ni en référer à quiconque. »
Julia lui parle donc de Garry Davis.
Fils d’une famille bourgeoise dans les années 20.
Idéaliste du XX ème siècle,
Il s’émancipera des lignes familiales tracées,
Des cours académiques pour courir à Broadway.
S’y ennuiera et voudra voyager pour la paix dans le monde.
Utopiste et rêveur fou,
Il va devenir ce grand militant pacifiste
Et créera le Mouvement des citoyens du monde.
« La paix est un boulot à plein temps. »
Je ne connaissais pas cet homme.
Et je vous recommande son histoire passionnante.
Apatride,
C’est aux pieds de L’ONU qu’il élit domicile.
Invectivant le monde à se soulever
Pour demander une organisation internationale pour la Paix.
Une carte de Citoyen du monde en nait.
Breton, Camus, Pierre Bergé, le soutiennent comme tant d’autres.
Einstein lui même lui écrira pour crier contre la militarisation des fondateurs de l’ONU.
Que dirait-il aujourd’hui ?
Mais lutter contre le système avec les armes
De ce même système n’a-t-il pas inévitablement une limite ?
L’amour peut-il nous sauver de nous-mêmes ?
Le peut-il pour notre monde ?
« Sarrazac ne vient plus, ni Breton davantage, Calus et Maria Casarès font l’amour à Paris, il est seul sur le pont. Heureusement c’est là qu’elle entre en scène, la fille de l’histoire. »
• L’extrait :
«La frontière relie autant qu’elle sépare, au contraire des murs. C’est la peau des peuples, Julia, comme la vôtre, comme la mienne, avec la douane de nos orifices où nous échangeons déjà.»
• Mon avis :
Quel plaisir immense j’ai eu à plonger dans cette forme
de narration ambitieuse et peu courue.
On l’aimera si on aime les lettres.
Si on a cette âme romantique de grand révolté !
Une critique brillante sur cette société d’après-guerre
Secouée par un homme, dont la vocation fut la paix,
Mais dont les actes trouvèrent leurs propres murs.
Dans ce livre, il y a le miroir de nos sociétés.
Ces combats perdus.
Nos coeurs et amour déçus.
Ces injustices qui nous soulèvent,
Mais dont aucun homme élu ne fait aujourd’hui son devoir.
La fragilité avec une émotion tremblante,
L’amour des lettres,
Et bien sûr Garry Davis.
• L’auteur :
Frédéric Aribit*
*Né à Bayonne en 1972, Frédéric Aribit a vécu à Itxassou. Il est aujourd’hui docteur ès-lettres et enseigne la littérature à l’EABJM, à Paris.
Il est l’auteur de nombreux articles publiés en revues en France (Loxias, Les Cahiers Bataille, Chiendents, Recours au poème…) ou à l’étranger (Roumanie, Grèce), il a publié en 2012 « André Breton, Georges Bataille – Le vif du sujet » (L’écarlate-L’Harmattan).
Après « Trois langues dans ma bouche » (Belfond, 2015), « Le Mal des ardents » est son deuxième roman.
*Source : Babelio
• Références :
- Et vous m’avez parlé de Garry davis
- Auteur : Frédéric Aribit
- Maison d’édition : Éditions Anne Carrière
- Date de publication : 02.02.2020