Otages

• Le mood :

Un roman sur les cruautés sociales, l’avilissement de l’homme au travail, la violence tapie au creux d’une société dont la colère explose, inévitablement. C’est l’histoire d’une femme, d’une vie terne qui décidera un jour de répondre à la violence, par la violence.


• L’histoire :

Je ne sais pas si vous avez déjà travaillé dans une entreprise qui avilie ses salariés.
Je suis dans la com°, et dans le petit monde des agences j’ai vu de tout.
Dont 6 mois passés chez les fous.
Des boss qui passaient leur temps à insulter, humilier des gens qui bûchaient là depuis 10 ans.
Je ne comprenais pas que l’on puisse accepter ça.
Mais les gosses à nourrir, sans doute la perte totale de confiance en soi.
De mon côté ça a finit entre avocats, mais je me demandais chaque soir en rentrant quelle était la vie, les pensées de ceux qui acceptaient en silence.

Pour Sylvie Meyer, cette violence là a eu le « presque pire » pour réponse.
Machination, manipulation, cruautés.

Sylvie Meyer ne connaissait pas la violence.
Elle s’en protégeait.
En cherchant la joie partout.
Au creux de la terre, dans la brise et ses oiseaux.

« J’ai cherché la joie comme une folle, parfois je l’ai trouvée et puis elle s’est envolée tel un oiseau, alors j’ai fait avec, j’ai continué, sans trop me plaindre ou si peu.
C’est encombrant la plainte, pour soi, pour les autres. C’est vulgaire aussi et ça prend du temps. »

Divorcée après 25 ans de mariage,
Sylvie Meyer a toujours été cette femme effacée.
Une femme d’un milieu de peu.
Peu de mots, peu de plaisir, peu de temps…

« Je ne suis jamais tombée, jamais, même quand mon mari est parti, il y a un an. J’ai résisté. Je suis forte, les femmes sont fortes, davantage que les hommes, elles intègrent la souffrance. C’est normal pour nous de souffrir. »

Dans le silence assourdissant
Du départ de son mari.
État létal, qu’elle observe en dehors d’elle-même
Restée sans réaction,
Une explosion pourtant se prépare.

Chaque matin,
elle rejoint son travail à la Cagex.
Son patron qui déverse sa peur sur elle.
Pression des mots, et petites cruautés quotidiennes
Écrasée sous le poids des devoirs.

« On pense toujours que le bruit c’est la violence, mais non, pas du tout. Le bruit est une fausse violence. Le bruit, c’est la vie, nerveuse, folle, qui bat, existe. Le bruit c’est le coeur et le ventre. Le bruit c’est la colère et le refus. Le silence était partout, en moi et en dehors de moi. Il était dangereux. Je n’y ai pas fait attention. »

Et comme ça,
Insidieusement,
En la flattant de sa bonté,
En invoquant une main tendue,
Ce patron va lui demander d’établir des listes.
De punir.
De noter les plus travailleurs.
D’éliminer les plus faibles, ceux qui traînent la patte.
C’était ça la fissure. La violence.

La violence d’avoir cru qu’elle devenait quelqu’un
La jouissance d’écraser à son tour,
Mais la chute lui fait perdre pied.
Un geste qu’elle n’avait jamais imaginé.


• L’extrait :

«C’était fini sans qu’on se le dise, mais au fond de nous, on savait. On sait toujours ces choses-là. On les redoute, mais on les sait. C’est faux de dire que l’on est surpris du départ de l’autre.»


• Mon avis :

J’attendais ce roman avec grande impatience.

Nina Bouraoui excelle dans un verbe d’une classe moyenne, du peu d’éducation, de la colère silencieuse.

Elle décrit cette machinerie infernale du harcèlement quotidien.
Du déclenchement brutal par ce que l’on contient en soi.

Comment devient-on hors système quand on a jamais dérogé de la ligne bien tracée ?
Comment un harcèlement quotidien, un avilissement par un boss sadique peut mener au pire ?
Comment se loge et comment grandit la colère pour devenir ce monstre latent ?
Quelle machine avons-nous créée ?

S’il s’agit d’un roman cruellement social dont j’ai beaucoup aimé le thème et le développement crescendo, je lui ai aussi trouvées certaines facilités.
Des raccourcis trop brutaux.
Une fin qui m’a laissée un peu sur ma faim (sans vilains jeux de mots) et qui donne une note clichée sur un roman au sujet pourtant profond, sur les monstres que notre société fabrique.


• L’auteur :

Nina Bouraoui*

Nina-Bouraoui
Copyright : FRANCESCA MANTOVANI/OPALE/LEEMAGE

*Nina Bouraoui est une romancière française.

Née d’un père algérien originaire de Jijel et d’une mère bretonne, elle passe les quatorze premières années de sa vie à Alger avec sa sœur. C’est lors d’un été en Bretagne, dans sa famille maternelle, en 1981, qu’elle apprendra la décision de ses parents de ne pas retourner en Algérie, ses parents craignant le début de violence dans le pays. Elle va vivre cette période comme un drame, car elle ne peut faire d’adieux ni récupérer de souvenirs de sa vie d’avant.

Elle vivra son adolescence successivement à Paris, Zurich et Abou Dabi, puis revient à Paris après son baccalauréat pour étudier la philosophie et le droit.

Attirée dès l’enfance par le dessin et l’écriture, c’est l’écriture qui lui permettra de « trouver sa place dans le monde ».

C’est grâce à l’envoi de son manuscrit par la poste, sans recommandation, qu’est publié son premier roman « La voyeuse interdite » (Gallimard) en 1991, qui connaîtra un succès international et recevra le prix du Livre Inter.

Ses œuvres, largement autobiographiques, font régulièrement l’actualité. Dans ses romans, elle écrit sur l’amour, l’homosexualité – elle ne cache pas la sienne, l’identité et ses troubles ainsi que sur son enfance algérienne dont elle conserve la nostalgie.

Son neuvième roman, « Mes mauvaises pensées » (2005), dans lequel elle revient sur son enfance algérienne, sa jeunesse parisienne, son homosexualité, obtient le prix Renaudot en 2005. En 2018, elle est dans la première sélection du prix Femina pour « Tous les hommes désirent naturellement savoir ».

Un de ses poèmes a été repris par le groupe Les Valentins et mis en musique dans la chanson « La Nuit de plein soleil ». Elle est Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres et ses livres sont traduits dans une quinzaine de langues.

*Source : Babelio


• Références :

  • Otages
  • Auteur : Nina Bouraoui
  • Maison d’édition : Éditions JC Lattès
  • Date de publication : 02.01.2020

6 commentaires sur “Otages

  1. Bien que j’ai d’autres livres à lire avant, j’ai été le chercher comme une impérieuse nécessité. Merci pour ce partage…A la lecture de cette chronique, je crois que je vais rapidement le lire😉

    J’aime

    1. C’est un bon roman oui, mais je suis curieuse d’avoir ton retour dessus. Car c’est vrai que j’ai aussi eu une impression de facilité sur certains passages ou création de lien notamment sur l’origine de la colère.
      La fin m’a gênée aussi. Mais toute la première partie est super bien menée ☺️

      J’aime

      1. Du coup, je crois que Otages sera le prochain. Mais, il faut que je digère  » Celle qui pleurait dans l’eau » polar qui parle des violences faites aux femmes et du suicide forcé par l’action de pervers …A bientôt

        Aimé par 1 personne

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