
• Le mood :
Un court essai/dialogue philosophique, fort rafraîchissant et très accessible sur l’amour et le fait de dire « je t’aime » par François Jullien interrogé par Nicolas Truong.
• L’histoire :
Le titre de ce livre interpellera les coeurs piétinés ou encore les constipés du « je t’aime ». L’un pouvant d’ailleurs être la cause de l’autre…
Bref, pour ma part je m’y aventurai pour le titre bien sûr (je vous laisse décider si piétinement ou constipation), mais aussi grâce à la chronique d’Estellereads.
Parce que je me le demande de plus en plus après moultes années d’embardées sentimentales, ressemblants toutes plus ou moins à des naufrages titanesques et non pas revigorants mais plutôt frigorifiants !
Parce qu’en fait dans un « je t’aime » y’a à boire et à manger !!
Je suis bien d’accord avec ce bon vieux François, moi !
Qui soit dit en passant, en plus d’être philosophe, est aussi sinologue, ce qui ne gâche rien dans sa petite opposition à notre pensée purement occidentale (et qui, force est d’admettre nos pourcentages de divorces, a peut-être comme un os dans l’gosier).
Oui un peu d’opposition aux dogmes, ça fait du bien.
De l’amour on vous en sert en veux-tu en voilà, jusqu’à indigestion et jusqu’à ce que vous finissiez par militer contre les cœurs brisés autant que contre le foie gras.
Passons sur cette comparaison douteuse.
Ne l’emploie-t-on pas à tout va ?
Ne nous vend-on pas un immense marché de l’amour ?
François Jullien nous interroge : n’aurait-on pas un peu perdu ce sens suprême que Platon exprimait si bien dans le Banquet en lui donnant plusieurs visages et interprétations (mes plus beaux souvenirs de philo du lycée ;)).
Mais surtout en en faisant la plus belle démonstration : car certes il y a l’Amour, mais il y aussi l’IDÉAL de cet Amour.
Ce que l’on fantasme en somme…
En y regardant de plus près, il a deux racines.
=> L’Eros ; amour platonicien, l’amour de ce qui manque, la possession de.
=> Et Agapé, l’amour chrétien, dans le don de soi absolu, la dépossession.
Et si l’Amour était en fait parfaitement schizophrène ?
Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est à cause de tout ça que ça foire la plupart du temps, mais bon, avouons qu’il y a peut-être une piste à creuser non ? 😉
François Jullien préfère le terme d’ »intime. »
Revêtant à ses yeux, beaucoup plus précisément ce que représente l’Amour.
Car là où un « je t’aime » pose l’autre en objet, un sens unique.
Un « nous sommes intimes » englobe l’autre et l’invite.
L’amour serait pour lui ce qui heurte, ce qui blesse.
Là où l’intime est cet espace qui ne fait pas souffrir.
« Augustin nous dit, en somme : quand je creuse au plus profond de moi émerge alors la figure de l’autre. »
Le philosophe nous explique la force et la noblesse de cette intimité, par ce moment où l’on ne projette plus de nous en l’autre.
« Nous commençons à nous tenir hors de nous dans l’autre. »
C’est beau non ?
Moi j’adore.
Ce sont ces moments de partage sans paroles.
Cette conversation qui n’est plus nécessaire.
Et c’est là que l’on touche l’intime sensuel.
Presque sexuel puisque l’intime signifie la pénétration de l’autre.
Finalement, le silence parfois n’est-il pas plus grand ?
Là où les « je t’aime » mentent parfois, un silence, lui, ne le peut pas.
Il aborde également la question : « Qu’est-ce qu’une seconde vie en fait ? »
Un second amour ? Une nouvelle perception ?
Je vous laisse le découvrir en lisant ce court dialogue philosophique que j’ai adoré, vous l’aurez compris.
• L’extrait :
« Le silence laisse passer l’intime. »
• Mon avis :
Un dialogue court et profond qui nous permet un véritable changement de vision.
Parfois il suffit de se désaxer un peu, de s’ouvrir à un autre système de pensée pour embrasser une réflexion que nous n’aurions pas eue il y a quelques années.
J’ai beaucoup aimé cette petite escapade au pays des questions qui oppose l’amour et l’intime dans un duel qui met en jeu toute la profondeur du silence face à la froideur que cachent certains mots.
• L’auteur :
François Jullien
*François Jullien est un philosophe et sinologue français.
Normalien et agrégé, il a étudié ensuite la langue et la pensée chinoises ; il a été étudiant aux universités de Pékin et de Shanghai, puis responsable de l’Antenne française de sinologie à Hong-Kong, puis pensionnaire de la Maison franco-japonaise à Tokyo.
Docteur de troisième cycle, puis docteur d’État en études extrême-orientales.
Il a été président de l’Association française des études chinoises (de 1988 à 1990), directeur de l’UFR Asie orientale de l’Université Paris VII (1990-2000) ainsi que président du Collège international de philosophie (1995-1998). Il est actuellement professeur à l’Université Paris Diderot et directeur de l’Institut de la pensée contemporaine ainsi que du Centre Marcel-Granet ; membre senior de l’Institut universitaire de France.
Il dirige actuellement l’Agenda de la pensée contemporaine aux éditions Flammarion.
Il joue également un rôle de conseiller auprès d’entreprises occidentales qui désirent s’implanter en Chine.
*Source : Babelio
• Références :
- Pourquoi il ne faut plus dire « je t’aime »
- Auteur : François Jullien
- Maison d’édition : Éditions de l’Aube
- Date de publication : 22.08.2019