Il fallait que je vous le dise

• Le mood :

Un livre illustré d’une sensibilité folle, autant dans la plume que le crayon.
Aude Mermilliod dépose ses mots sur l’expérience de l’avortement en croisant le récit de l’apprentissage de l’IVG par ce grand médecin à l’écoute des femmes : Martin Winckler.


• L’histoire :

« Avorter, c’est un choix de maman », me dira mon amie Désirée, des années plus tard. »

Il y a 11 ans j’ai fait une fausse couche.
Je ne savais pas que j’étais enceinte.
J’avais 18 ans.
Le corps porte la mort.
J’avais honte.
On garde ça à l’abri des regards,
Mais jamais trop loin de soi.

Je ne sais toujours pas aujourd’hui si j’aurais avorté ou non.
Très certainement.
Ce sublime livre illustré de Aude Mermilliod a touché la corde.
Je me rends compte à quel point nous sommes nombreuses à garder le silence.
À porter la perte.

Pourtant je suis de celles qui ont brandit des
« ouais ça va les fausses couches ça arrive à toutes les femmes, elle s’en remettra ! »
Bien sûr, je ne l’ai jamais pensé.
Pas une seule seconde.
Je cachais ma colère de ne pas pouvoir la partager.
Combien sommes-nous ?

Ce livre ce n’est pas seulement l’histoire intime d’un IVG.
Il s’adresse à toutes les mères, les femmes.
Celles qui n’ont pas pu l’être, celles qui aimeraient, celle qui ont fait une fausse couche, celles qui ont fait un choix, celles qui ne l’ont pas eu.

À travers son histoire Aude retrace la violence des mots.
Ce que l’on se refuse à voir quand le corps crie.
La douleur immense à chaque regard posé sur un enfant.
Le coeur qui se déchire en voyant les mains d’une autre mère caresser son ventre plein de vie lorsque le vôtre est dorénavant terriblement vide.

Toutes ces questions qui assaillent l’esprit sans jamais être certaine de savoir exactement.
Et puis cette immense tristesse qu’on ne nous dit pas.
Celle contre qui on ne peut rien.
Si ce n’est savoir que l’on a fait au mieux et pour le mieux.

Le récit est croisé de la rencontre de celui qui s’est engagé pour aider les femmes il y a longtemps.
Martin Winckler.
J’aime ce clin d’oeil de l’auteure.
Montrer que l’IVG n’est pas qu’une histoire de femmes.
Que les hommes aussi ont un rôle précieux dans l’apprentissage.

Lui aussi a appris à apprivoiser la douleur des femmes,
Sa colère, la sienne, et leurs raisons, les leurs.
Aucune femme, jamais, n’a recours à l’IVG par plaisir.
Nombreuses sont celles qui ont laissé leur vie lorsque c’était encore interdit.
Je pense alors à L’événement de Annie Ernaux qui dit l’horreur des années 60.
Lorsque les politiques dirigeaient nos corps.
Et c’est encore si fragile.
Alors battons-nous !


• L’extrait :

« Ma tristesse ne savait pas où se mettre.
Je me taisais beaucoup, en souriant.
 »


• Mon avis :

Une véritable prouesse d’avoir eu le courage de parler.
D’autant plus de ne jamais tomber dans le pathos.
Plus encore d’oser écrire et dessiner l’expérience physique de l’IVG.
On cache la réalité de cette opération derrière 3 lettres,
Et Aude Mermilliod lève le voile d’une infinie délicatesse.
J’ai été chamboulée à chaque regard qu’elle a su dessiner,
À cette féminité immense qu’elle porte, avec liberté !

J’espère que le fait que je parle ici de mon expérience ne froissera personne.
Je tenais simplement, en un clin d’oeil, à témoigner à ma manière des maladresses que j’ai pu commettre et du silence que j’ai gardé.

***
Un grand merci aux Éditions Casterman BD qui m’ont permis de découvrir ce livre à côté duquel je serai certainement passée, lisant peu de BD.


• L’auteur :

Aude Mermilliod

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*Aude Mermilliod ne peut pas rester en place ! Originaire de Lyon, cette véritable autodidacte quitte sa ville d’origine après le lycée pour poursuivre des études aux Beaux-Arts de Toulouse. Vivant à côté d’une librairie/galerie, elle découvre le 9ème Art en se plongeant dans une incommensurable quantité d’albums divers et variés et en faisant des rencontres de toutes sortes. Elle participe alors à « Bagarre « et à deux numéros de « Jukebox », ouvrages collectifs. La vie l’emmène ensuite vers Bruxelles, où elle affine son dessin et ses techniques narratives.

En 2014, elle passe une année à Montréal dans un atelier où sont présentes les maisons d’éditions indépendantes québécoises Pow Pow et La Mauvaise Tête. Cela lui permet de travailler sur son projet « Les Reflets Changeants », avec lequel elle gagne le Prix Raymond Leblanc de la jeune création en 2015.

En 2019, elle publie, avec Martin Winckler, « Il fallait que je vous le dise », le témoignage d’un médecin et d’une patiente qui se sont rencontrés pour avoir tous deux vécu des avortements, chacun à sa manière.

C’est une voyageuse invétérée qui retrace ses aventures sur son blog : http://lafillevoyage.com/

(*Source : Babelio)


• Références :

  • Il fallait que je vous le dise
  • Auteur : Aude Mermilliod
  • Maison d’édition : Casterman BD
  • Date de publication : 24.04.2019

2 commentaires sur “Il fallait que je vous le dise

  1. Tout d’abord un grand merci pour m’avoir fait connaître le blog de cette auteure ! Du coup, je m’y suis abonnée et bien sûr, j’irais feuilleter cette BD et plus, si affinités…😃
    Concernant ce récit de vie partagé, pas d’excuse et pas de réserve! Un blog s’écrit avec le filtre de ses émotions, de ses envies et de pleins d’autres choses très personnelles même si le « je » n’ai pas employé…
    Chaque livre que nous choisissons de partager, chaque expérience que nous racontons, etc. sont à relier avec notre vie plus ou moins intime…Nous faisons tous ça ! Donc, pas d’excuse et au contraire, remerciements pour la confiance témoignée !
    Bon weekend !

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