
• Le mood :
CHEF D’OEUVRE.
Un roman grandiose sur la misère au coeur d’un village mexicain.
Une plume hors du commun, lestée d’une rage et d’un verbe qui vous terrasse.
La condition des femmes, la violence terrible, la drogue, l’alcool et cette étrange disparition. À LIRE ABSOLUMENT
• L’histoire :
Au village de Matosa au Mexique,
les morts ornent la surface jaune et plastifiée des ruisseaux.
Les femmes du villages se cachent pour aller chez celle que l’on nomme La Sorcière. Guérisseuse et faiseuse de potions, elle écoute les malheurs de ces femmes bafouées.
On dit d’elle qu’elle aurait tué son mari pour ses terres.
Alors que son esprit se perd, sa fille tient les comptes.
La fille du Diable qu’ils disent.
Une maison emmurée dont la seule porte restante se tient avec des barreaux de fer et un cadenas plus gros que le poing.
Les cris de la sorcière résonnent le soir,
Et la fille se cache, couteau à la main.
Avec l’ouragan la misère et la mort frappent plus encore.
Les rumeurs fusent dans le village.
Le village est poussiéreux, sale,
Les femmes suantes vendent leur culotte pour des bières tièdes.
« (…) des femmes fatiguées de vivre, des femmes qui se rendaient compte, soudain, qu’elles avaient passé l’âge de se réinventer avec chaque homme dont elles faisaient la connaissance, et qui riaient de but en blanc, toutes dents dehors, lorsqu’on leur rapéait leurs rêves d’antan (…) »
La petite sorcière reste seule.
Violentée, frappée et blessée dans sa chair par le vice des hommes ivres qui pénétraient chez elle à la recherche de sexe et d’or.
Un drame terrible s’est produit.
Le corps inanimé de la Sorcière.
Alors nous remontons le temps,
Le jour de la fuite de ces trois hommes.
Munra qui conduisait le camion,
Luismi qui s’abruti de cachetons,
et Brando, homophobe obsessionnel…
« Munra a alors regardé le niveau d’essence et il s’est dit que le plus raisonnable était de retourner à La Matosa pour demander à doña Concha de leur vendre un litre de canne à crédit, puis le boire au lit en attendant le retour de Chabela jusqu’à perdre conscience ou mourir (…) »
Un texte sombre où les êtres tentent de survivre.
Fuir la vie en sombrant dans des abîmes de torpeur et d’alcool.
Éteindre cette chaleur suffocante qui leur colle au corps.
Oublier les draps sales, les poumons pourris des enfants et ces femmes brumeuses.
Oublier les viols des petites filles de 13 ans.
Oublier l’horreur qui loge sous les toits au milieu des odeurs de merde et de moisissure.
« (…) il valait mieux fuir avant que sa mère cesse d’avoir besoin d’elle ; il valait mieux mourir que de la perdre. »
Une prouesse de construction littéraire où l’on ne comprend qui sont les personnages, leurs liens et leur histoire qu’en avançant.
À tâtons, on démêle chacun des rôles,
des motivations, des maux de chacun.
Les mères abandonnées, les pères alcooliques
et les fils désaimants prient des dieux lointains qui ne les entendent plus.
Des vies de souffrance dont on ne s’échappe que par la mort.
Voie sans issue.
Aucune autre que celle du sang.
La poussière qui recouvre les vies.
L’alcool qui endort.
La drogue qui adoucit les nuits.
• L’extrait :
« Elle voulait toucher ses seins pour soulager les élancements qui les traversaient ; elle voulait ôter de son visage ses cheveux trempés de sueur, se gratter le ventre qui la démangeait terriblement, arracher le tube en plastique enfoncé au creux de son bras ; elle voulait tirer encore sur ces bandages jusqu’à les déchirer, fuir ce lieu où tout le monde la regardait haineusement, où tous semblaient savoir ce qu’elle avait fait ; tordre ses mains, s’égosiller en poussant un cri primaire, un cri que, comme son urine, elle n’a pas réussi à réprimer bien longtemps : maman, maman, a-t-elle crié en choeur avec les nouveaux-nés. Je veux rentrer à la maison, maman, pardonne-moi pour tout ce que j’ai fait. » »
• Mon avis :
Un chef d’oeuvre de littérature.
Cela fait dix jours que j’e ai fini la lecture et j’en suis encore aussi émue qu’à sa lecture.
Je crois que je n’avais jamais lu la misère d’aussi près.
Jamais entrevue la violence qui crève du manque d’amour à ce point.
Ce roman mexicain est tout simplement grandiose !
Un livre écrit d’un souffle.
Aux phrases longues avec peu de points.
On sent qu’il lui faut tout dire.
L’urgence de vivre ; sa violence, celle de mourir.
Une oralité qui ne sombre jamais dans le commun.
Une auteure au verbe littéraire et abrupte.
Cette écrivaine, Fernanda Melchor est une artiste véritable.
Entière. Tant dans la rage de sa plume, sa radicalité,
Que dans sa manière incroyable de tisser le récit.
De décrire le sang et la poussière.
De donner une âme si profonde à chaque personnage.
De la pute à l’assassin.
Une plume qui ne juge pas, mais dessine un Mexique qui pleure ses femmes et ses hommes.
Malgré l’extrême violence du texte, pour moi, il ne parle que d’amour.
Celui des hommes qui le cachent.
Celui des femmes qui s’entraident.
Celui des petites filles qui aiment leur mère malgré leur abandon.
Celui des hommes qui n’en ont jamais eu,
Celui des Sorcières détestées par les hommes.
• L’auteure :
Fernanda Melchor

*Née en 1982 à Veracruz, au Mexique, Fernanda Melchor a très tôt été remarquée par la critique pour ces publications dans divers journaux et revues. C’est lors de la parution de La saison des ouragans, son deuxième roman, que le monde entier a découvert cette voix unique dans la littérature hispanophone contemporaine.
(*Source : Éditions Grasset)
• Références :
- La saison des ouragans
- Auteur : Fernanda Melchor
- Maison d’édition : Éditions Grasset – En lettres d’ancre
- Date de publication : 20.03.2019
Ton avis fait furieusement avis ! Ce n’est pas la première fois que je croise ce roman sur la blogo et je pense que je vais craquer 😉
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Vraiment je t’y encourage 😃 Je pense que sans l’envoi des Éditions Grasset je ne me serais pas naturellement tournée vers ce livre. Pourtant il est immense !
Je pense que l’on a à faire à une très grande écrivaine 😍
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