
• Le mood :
Un chef d’oeuvre que j’ai lu comme on écoute un grand Opéra, le ventre ouvert et le souffle coupé.
Un des plus grand livre que j’ai lu sur les variations de nos désirs, nos sentiments et leurs avortements.
• L’histoire :
« Mais on ne se prépare pas au pire. Le pire ne se contente pas d’anéantir l’espoir ; il déchire tout, comme s’il voulait faire mal, punir, humilier. »
Chef d’oeuvre.
Quelles sont ces vies que nous n’avons pas vécues ?
Ces histoires d’amour que nous avons tues.
Étouffées pour ne pas trop risquer.
Des histoires avortées par cette lâcheté contenue.
C’est l’histoire, la grande histoire des disparus.
André Aciman nous livre ici, telle une symphonie
Cinq histoires d’amour.
Cinq mécaniques, toutes différentes.
Si réelles qu’elles nous traversent, nous mettent à terre.
De l’amour impossible, honteux, passé sous silence.
À la jalousie passive qui n’en est pas.
À la passion terrible, aux rancunes.
À l’amour si fort qui s’envole si tôt qu’il est possédé.
Paul n’a que 12 ans lorsqu’il tombe en amour de Giovanni.
Le menuisier de ses parents.
Avec son père ils écoutent le Variations Diabelli de Beethoven.
Ils partagent tant et tellement plus que ce qu’ils pensent…
« Même à moitié endormi, j’aimais entendre le bruit de ses pas qui faisait crisser le gravier devant la maison. Cela signifiait qu’il était de retour, et que le monde avait retrouvé sa complétude. »
Chaque détail.
Le papier journal qui sert de nappe sur l’établi.
La vieille chaise branlante.
La poussière que mon esprit s’est imaginée.
La chaleur écrasante.
Le torse nu et les aisselles odorantes.
« Il était le plus beau visage que j’eusse jamais vu, et je n’étais pas assez brave pour le contempler. »
C’est l’histoire des fins.
De l’âge où l’on pense que rien ne change.
Que l’on aimera toujours ceux que l’on aime.
Avant les variations de la vie.
Ce peut-on que l’on ait aimé, chaque fois dans nos vies, à la lumière d’un seul être que l’on a aimé avant ?
C’est une grande question que je me pose.
C’est une question que l’auteur visite.
Ausculte.
En en faisant un véritable Opéra.
Les illusions se déshabillent en des vérités qu’au fond nous avions toujours perçues même enfant.
Puis plus tard, à New York, il y aura Maud.
Les mensonges.
Et la naissance du désir pour un autre.
« Je les envie. Ils couchent ensemble. Et pourtant je ne suis pas jaloux. Parce que je crains plus la jalousie que la perte de l’amour. »
Quels signes refusons nous de voir avant qu’ils deviennent aussi lumineux qu’un deuxième soleil ?
L’auteur dessine alors un étrange trio.
Où celui qui pensait tromper se retrouve alors lui-même dupé.
Nos tremblements. Nos hontes.
Puis Manfred, cet homme dont il ne saisira les signes que très tard.
« Je voudrais parler de mon Manfred a tout le monde, dire qu’il est d’une beauté absolue quand il se dévêt complètement avant de prendre une douche, et que le marbre de sa poitrine glabre est si ferme qu’il faut retenir l’envie de le toucher, de s’assurer que le marbre est fait de chair. »
Puis Chloé,
Cet amour sans aucun mot pour le dire.
Cet amour qui ne survit qu’à l’absence.
Puis Heidi…
L’amour de l’âme.
Quand on se reconnait tout en sachant qu’à la seconde
Où l’on se connaîtra, tout sera finit alors.
« Simuler l’amour n’avait rien de difficile ; penser que je ne simulais pas encore plus facile. Mais ni elle ni moi n’étions dupes. Si bien que nous nous en prenions à notre amour comme nous nous en prenions l’un à l’autre — mais à quel prix ? »
• L’extrait :
« C’est toujours le même circuit : de l’attirance à la tendresse puis au désir obsessionnel, et ensuite l’abandon, le recul, l’apathie, la lassitude et au bout du compte le mépris. »
• Mon avis :
J’ai tremblé à la lecture de ce livre comme j’ai tremblé lors de ma première Traviata.
Je ne savais pas qu’il était possible d’écrire ainsi le désir, la passion, l’envie mais surtout toutes ses variations.
Parce que nous ne sommes jamais les mêmes à chaque histoire.
Parce que la seule chose qui se répète est ce désir si fort,
De vivre en vibrant de tout l’amour qu’un être peut nous offrir,
Même dans une totale abnégation de celui-ci.
Est-ce que le plus grand vertige de l’amour n’est pas de se perdre entièrement ?
Je crois qu’André Aciman, dans ce livre, explore au-delà de l’amour le sentiment de perte.
SE perdre, en amour.
Et c’est tout simplement grandiose.
Mille mercis aux éditions Grasset pour cette fabuleuse découverte de la collection En lettres d’Ancre !
• L’auteur :
André Aciman
André Aciman est un écrivain américain, d’origine italo-turque.
Né en Égypte, où ses aïeux séfarades se sont installés en 1905, il passe son enfance dans un foyer où l’on parle principalement le français, mais également l’italien, le grec, le ladino et l’arabe. En 1965, il suit ses parents, propriétaires d’une usine de tricot, qui décident de déménager en Italie, puis, en 1969, à New York.
Il fait ses études supérieures au Lehman College de l’Université de la ville de New York, où il obtient un baccalauréat en littérature anglaise et en littérature comparée, puis s’inscrit à l’Université Harvard qui lui décerne un doctorat en littérature comparée.
Il obtient une bourse Guggenheim en 1977 pour poursuivre ses recherches en littérature. Il amorce aussi une activité de critique littéraire dans les pages du magazine The New Yorker.
Nommé professeur d’écriture créative à l’Université de New York et de littérature française à l’Université de Princeton, il est professeur invité à l’Université Wesleyenne en 2009. Il enseigne ensuite la théorie de la littérature et l’œuvre de Marcel Proust à l’Université de la ville de New York.
En 1995, il publie « Adieu Alexandrie » (Out of Egypt), un livre de mémoires qui obtient un succès critique et public notable.
Il aborde le roman en 2007 avec « Plus tard ou jamais/Appelle-moi par ton nom » (Call Me by Your Name), chronique douce-amère de l’éveil d’un jeune homme à l’homosexualité. L’œuvre, qui remporte le prix Lambda Literary du meilleur roman gay 2007, est adaptée au cinéma par James Ivory pour le film « Call Me by Your Name », réalisé par Luca Guadagnino en 2017.
(*Source : Babelio )
• Références :
- Les variations sentimentales
- Auteurs : André Aciman
- Maison d’édition : En lettres d’Ancre – Grasset
- Date de publication : 06/02/2019
Wah, quelle critique. J’aime beaucoup ta manière d’écrire, qui rend si bien hommage à ce roman que j’ai, moi aussi, adoré. La finesse de la plume, la poésie qui s’en dégage, la nostalgie que l’on ressent, tout est ciselé d’une manière impressionnante. André Aciman a un véritable don pour parler de l’amour et pour donner corps aux sentiments humains… (mon avis, moins bien écrit que le tien mais tout aussi élogieux, ici : https://pamolico.wordpress.com/2019/05/19/lamour-les-remords-et-les-regrets-les-variations-sentimentales-andre-aciman/)
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Merci beaucoup pour cet adorable message, je m’en vais lire ton article de ce pas 🤗🤗 Ce livre était une révélation, j’avais le coeur qui battait à chaque page !
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