
• Le mood :
La jeunesse et l’adultère dans un quatuor infernal.
Sagan, l’auteure de mon coeur qui sait toujours si bien poser les mots sur les sentiments les plus subtils, les plus vils, les moins « racontables » et parfois les plus laids en nous tout en faisant rayonner ce qu’il y a de plus beau.
Nos espoirs. Nos pulsions. Nos passions. Nos déboires.
• L’histoire :
Cet après-midi-là, dans un café de la rue Saint-Jacques,
Dominique sourit au bonheur qui l’envahie.
Un jour elle n’existera plus.
La vie prend alors un tout autre goût.
Bertrand ne supporte pas ce sourire.
Elle ne doit sourire que pour lui, que pour eux.
De cette emprise, elle ne mettra pas longtemps à sortir.
Elle le suit d’abord, comme une jeune chatte égarée.
Répondant à l’appel du désir et des corps mêlés.
« Mais il y avait quelque chose en moi qui me destinait à suivre la nuque bien rasée d’un jeune homme, à me laisser toujours emmener, sans résistance, avec ces petites pensées glaciales et glissantes comme des poissons. »
Puis très vite, elle s’affranchit.
Son désir naissant pour un homme plus âgé. Luc.
L’oncle de Bertrand.
Commence alors une étrange relation entre elle et lui.
Au milieu ; Françoise.
La femme de Luc, adorable et bienveillante.
Qui voit en Dominique l’enfant qu’elle n’a jamais eu.
Dominique est cette petite chose qui s’ennuie de la vie.
De la fadeur de ses sentiments pour Bertrand.
Un ennui qui la propulse dans des pensées qui se nourrissent de fantasmes et de transgressions.
« Françoise partie, tout devenait trouble et déplaisant. De cette première marque d’intérêt de Luc, j’ai gardé un mauvais souvenir, car, je l’ai dit, je m’étais fabriqué de belles œillères. J’eus brusquement envie de retrouver Françoise, comme un rempart. Je comprenais que ce quatuor que nous avions formé n’avais jamais reposé que sur des bases truquées (…) »
Puis l’adultère.
La souffrance acceptée par chacun.
« C’est affreux à dire, mais quand on connaît quelqu’un, on connaît aussi sa manière de souffrir et ça paraît assez acceptable. »
C’est l’histoire de l’insouciance.
De la découverte de soi à travers l’autre.
De l’éloignement des corps et de l’indifférence.
De la férocité du désir et de la faute.
C’est le désespoir puis la lueur de nouveau.
Le plaisir de ne jamais s’unir.
La jouissance narcissique de se voir accablée d’un amour impossible.
« C’était bizarre, le désespoir ; bizarre qu’on en réchappe. »
• L’extrait :
« Je m’assis, elle me regardait, visiblement étonnée de mon aspect lamentable. Cela m’émut sur moi-même. »
• Mon avis :
Ce livre est un bonbon.
À l’image de Sagan. Délicieuse.
À fleur de peau.
D’une sensibilité extra-lucide.
D’une maturité incroyable pour son jeune âge (2 ans après Bonjour Tristesse).
Il y a ces écrivains qui vont chercher dans le banal toute l’essence et les subtilités de la vie.
C’aurait pu être une simple histoire d’adultère.
Mais ça n’est jamais simple avec Sagan.
J’aime cette désinvolture des choses, cette acceptation de la fatalité des sentiments qui nous dirige dans ses textes.
Elle nous met face à des situations impossibles, à la limite de l’absurde de l’inacceptable et casse les préceptes bourgeois du couple.
Elle revisite l’ambivalence des sentiments.
La trahison, l’acceptation, le regard de la femme sur son corps qui vieillit.
L’ennui, le temps qui passe.
La vie.
• L’auteur :
Françoise Sagan
Françoise Sagan, de son vrai nom Françoise Quoirez, est une écrivaine française.
Né dans une famille d’industriels aisés, elle a une scolarité mouvementée, elle change souvent de cours privés. En 1951, après un échec au baccalauréat et un été de bachotage, elle réussit son examen. Elle s’inscrit ensuite à la Sorbonne. Elle côtoie la jeunesse parisienne bourgeoise, la fête et l’alcool. En 1953, elle échoue à son examen de propédeutique.
Durant l’été 1953, elle écrit « Bonjour tristesse ». Elle a 18 ans, le succès est au rendez-vous. Son deuxième roman « Un certain sourire » paraît en 1956. Happée par le succès et l’argent, Sagan se laisse prendre dans les rets du jeu. En 1957, elle est victime d’un grave accident de voiture la laissant entre la vie et la mort pendant quelques jours. À partir de cet événement, elle est sujette à des douleurs qui la rendent dépendante des médicaments, de l’alcool et de la drogue.
Elle publie régulièrement et connaît chaque fois de grands succès de librairie. Son œuvre comprend également des nouvelles et des pièces de théâtre. Elle a aussi contribué à l’écriture de scénarios et de dialogues de films.
En 1958, elle épouse l’éditeur Guy Schoeller, plus âgé qu’elle de vingt ans. Ils divorcent en 1960, et elle se remarie, deux ans plus tard, avec un mannequin américain, Robert Westhoff (1930-1990). Ils ont eu un fils, Denis Westhoff, en 1962. Le couple divorce rapidement mais poursuit la vie commune avant de se séparer en 1972.
Elle reçoit, en 1985, le Prix Prince-de-Monaco pour l’ensemble de son œuvre. La même année, invitée par François Mitterrand en voyage officiel à Bogota, elle est tombée dans le coma. En 1988, Sagan est inculpée pour usage et transport de stupéfiants (héroïne et cocaïne). L’année précédente toutefois, elle avait publié « Un sang d’aquarelle » qui avait désarmé une partie de la critique. Elle cesse d’écrire après son roman « Le Miroir égaré » publié en 1996.
Elle défraie la chronique mondaine et la chronique judiciaire avec les affaires de drogues en 1995 et de fraude fiscale dans l’affaire Elf en 2002. Condamnée, démunie, elle est recueillie par son amie et dernière compagne, Ingrid Mechoulam.
(*Source : Babelio)
• Références :
- Un certain sourire
- Auteurs : Françoise Sagan
- Maison d’édition : Éditions Julliard
- Date de publication : 31.08.1993