Le discours

• Le mood :

Coup de foudre littéral !
À lire absolument ! Fabrice Caro démonte brillamment pour nous le processus de l’envoi de sms à un ex et l’attente qui s’en suit, tout cela saupoudré d’un dîner de famille dont il se sent plutôt étranger, agrémenté d’une demande de discours de mariage.


• L’histoire :

« Et m’apparaît alors ce bilan assez terrifiant que ma vie affective n’aura été au fond qu’une acceptation résignée de bites en contre-plaqué sur un mur de cuisine. »

C’est l’histoire des tribulations d’Adrien.
Quarantenaire désabusé de l’amour.
Blasé du discours de mariage.
Et fatigué des questions récurrentes de sa mère sur son amaigrissement supposé.
Une famille avec qui il est en décalage total.
Une mère persuadée que l’on peut soigner une dépression et des envies de morts chroniques à base de cure detox de jus d’orange.
Une soeur serial-offreuse d’encyclopédies depuis 3 décennies.
Et de l’impossibilité de s’échapper du dîner familial entre le gigot et le gratin-dauphinois.

Le chagrin d’amour zombie vous connaissez ?
Celui qui se réveille comme le Permafrost en plein dégel et qui dispatche ses virus préhistoriques dans l’air.
Celui qui rend toute conversation absolument impossible.
Tout sentiment d’empathie face à un génocide impossible.
Vous avez juste mal.

Adrien est en plein dîner de famille.
Ça fait 38 jours, que son ex a souhaité « faire une pause ».
Et 17h24, il craque.
Il envoie un sms à son ex, rompant avec son auto-pacte qui prônait l’absence et le zéro news pour lui faire ouvrir les yeux sur le manque et ses possibles regrets.

Sauf qu’au sms envoyé, vient l’insoutenable attente…
Et oui.
La joie de la possible réponse s’éteint lorsque le temps écoulé entre l’envoi du message et la réponse normale potentielle est notablement trop grande.

Il ne reste à Adrien qu’à tenter de tromper l’attente pendant ce dîner.
C’était sans attendre la demande de discours de son beau-frère :

« Tu sais, ça ferait très plaisir à ta soeur si tu faisais un petit discours le jour de la cérémonie. »

Le récit se tisse autour de cette incapacité à pouvoir imaginer un quelconque discours pour sa soeur et son désespoir enivré de questions.

– Quand décide-t-on de faire une pause ?
– Qu’ai-je fait pour que cette pause devienne une urgence ?
– Est-ce le fait d’être soi qui peut faire partir l’autre ?
– À quel moment meurt le désir de l’autre ?
– Comment peut-il aller jusqu’au dégoût du corps ? De son odeur ?

« Peut-être tout simplement m’être laissé aller à être moi, peut-être ne faut-il jamais être soi dans l’intimité si l’on veut qu’une relation dure comme au premier jour, persévérer à exhiber l’appartement témoin contre vents et marées, se contenter de montrer la vitrine. »

Fabrice Caro met en scène cette disparition des petits noms.
Le délitement du « Mon cœur » jusqu’au prénom sans aucun pronom devant.
L’image virile de l’autre qui s’étiole.
L’agacement qui prend place.
Le lent gouffre et bouleversement qui nous envahit.

Entre apparence et réalité, Adrien s’attelle à démonter les petits travers des autres, mais aussi les siens.
C’est drôle, brillant et pétillant.
Bref c’est un véritable coup de coeur pour moi !
Et une vraie bouffée de rires !


• L’extrait :

« Et m’apparaît que l’existence n’est pas un segment comme on en a parfois la perception mentale, mais un cercle de dix ans de circonférence sur lequel on tourne comme un cheval de cirque, et tous les dix ans on passe par ce même point, le point de chagrin d’amour chez ses parents, mais après tout tant qu’il y a des oranges il y a de l’espoir. »


• Mon avis :

Un vrai coup de foudre !
J’ai absolument adoré le style de l’auteur Fabrice Caro.
Des phrases grinçantes de vérité, des envolées lyriques qui nous scotchent de leur humour.
Je me suis engloutonnée de l’auro-dérision du personnage principal, de son désespoir qui nous renvoie forcément à des situations vécues et nous amuse de ses travers.

Un regard caustique sur l’univers parfois toxique de la famille.
Un sens de l’observation brillant sur les éloignements au point de finir par se sentir comme de parfaits étrangers.

Bref, vraiment allez-y, c’est tout simplement brillant d’intelligence.


• L’auteur :

Fabrice Caro

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Fabrice Caro, dit Fabcaro, dessine depuis l’enfance.
Après des études scientifiques, il se destine tout d’abord au professorat puis décide à partir de 1996 de vivre de son art. Ses livres sont toujours pleins d’humour et d’autodérision, oscillant entre autobiographie et rire grinçant.

Il travaille pour la presse ou l’édition, pour différentes revues de bande dessinée telles : FLBLB, Psikopat, Jade, Tchô !, L’Echo des Savanes, Zoo et CQFD.

Il est également musicien, auteur-compositeur et chanteur. Il est à l’origine, dès 1994, du groupe rock Hari Om et a ensuite réalisé un album-concept auto-produit Les Amants de la rue Sinistrose.

Il a publié chez des petits éditeurs comme La Cafetière ou 6 Pieds sous terre des ouvrages plein d’humour ou il passe à la moulinette le comportement de ses contemporains, sans oublier de s’égratigner en premier lieu.

À partir de 2005, il participe à différents collectifs dont ceux édités par 6 Pieds sous Terre, et s’affirme, notamment chez La Cafetière, en tant qu’auteur complet.

Il est aussi l’auteur d’un roman publié en 2006 chez Gallimard, « Figurec », dans la prestigieuse collection Blanche. « Figurec » a fait l’objet d’une adaptation en bandes dessinées (Casterman 2007), dessins de Christian De Metter.

Il obtient en 2015 le Prix Landerneau BD « Coup de cœur », créé spécialement par Philippe Geluck, pour l’album « Zaï, Zaï, Zaï, Zaï », ainsi que le prix SNCF du polar, le prix des libraires de bande dessinée, le Prix Ouest France quai des bulles et le Grand prix de la critique.

En 2016, il écrit le scénario des nouvelles aventures de Gai-Luron dessinés par Pixel vengeur (Fluide glacial).

*Source : Babelio


• Références :

  • Le discours
  • Auteurs : Fabrice Caro
  • Maison d’édition : Éditions Gallimard
  • Date de publication : 04.10.2018

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