
• Le mood :
Un roman qui nous plonge dans des interrogations sociétales plus que jamais d’actualité.
Commet vivre ensemble ?
Emilie Frèche tisse un récit post attentats terroristes où la peur divise tout en y mêlant la difficulté de s’aimer au sein d’une famille recomposée et multi-culturelle.
• L’histoire :
Léo et sa mère Déborah sont dans la cuisine quand Salomon, le fils de Pierre, brandit un couteau sous leur gorge.
Pierre et Deborah ont emménagé ensemble après les attentats du 13 novembre.
Dans cette urgence de s’aimer, de vivre fort après avoir cru pouvoir mourir là, sur ce trottoir glacé.
« De ce calme, elle se souvient comme d’une frayeur immense. »
Divorcée et séparé, c’est sur une envie sauvage, une impulsion qu’ils se retrouvent à mêler leurs meubles, mais également leurs deux fils.
« Mais quel rapport y avait-il entre vivre vite et vivre ensemble ? »
Arrive alors ce qui arrive souvent aux couples recomposés.
Souffrir d’un enfant qui les désaime.
Qui fait de vous son étranger.
Nourri de cette colère indomptable qui l’anime.
Que peut l’amour contre le rejet ?
« Parce qu’en dépit des larmes et du sang si souvent versés il est bien une chose dont les hommes ne pourront jamais se passer, c’est aimer, et être aimés.
La famille. Cellule vivante évolutive.
Fusionnant les corps pour les dissocier et enfin les séparer.
Mais Salomon n’est pas comme les autres enfants.
Ce petit garçon-escargot cache un mal profond nourrit par les secrets d’un père et la haine d’une mère désoeuvrée.
Il souhaiterait être mort plutôt qu’ici.
Les mots, comme des balles tirées à bout portant.
La violence qui s’installe au milieu des rires.
Quand la différence devient comme un cancer dans le couple.
Quand l’ex de son homme envoie hystériquement des tonnes de sms.
Quand un père décide de fuir plutôt que d’affronter.
Quand tout vrille parce que la parole brise le silence et le déni.
Comment accepter ?
À la construction de son récit très bien mené entre souvenirs traumatiques des attentats, constats sociétaux et politiques, Émilie Frèche vient également greffer la problématique des multi-religions au sein d’un couple.
Un livre qui tient en haleine son lecteur telle la tension est soutenue jusqu’à la dernière page.
• L’extrait :
« Vivre ensemble autorise les couples à tout, même à devenir des étrangers. »
• Mon avis :
Ce livre est incontestablement une réussite dans le fait même qu’il vous tient de la première jusqu’à la dernière page dans un suspens et un rythme qui ne désarment jamais. Je ne l’ai pas lâché.
Une réussite dans la construction et les thèmes de notre système sociétal qui part à vau-l’eau : cellule familiale, multi-culturalisme, politique, religion, terrorisme.
Ce livre interroge frontalement sur la peur de l’autre, notre sentiment de honte face à celle-ci.
Il pose également la question des conséquences de secrets et des non-dits sur le développement d’un enfant.
Bien évidemment du vivre-ensemble dans la cellule familiale recomposée.
Elimie Frèche nous interroge en même temps qu’elle fait cheminer ses personnages.
– Le vivre-ensemble est-il possible ?
– Est-ce un concept ?
– Comment ne plus avoir peur de l’autre ?
J’ai toute fois eu ce sentiment d’un trop de tout mêlé.
Je m’explique. Ce schéma de récit choisi réuni toutes les difficultés que l’on pourrait rencontrer : religion, culture, éducation, handicap, différence, violence, terrorisme…
On aurait presque pu tomber dans le caricatural.
Est-ce qu’un bon livre doit forcément être littéraire ?
Je ne pense pas puisque j’ai été prise par le récit.
Mais j’aurais aimé un style plus travaillé, plus abouti.
Ce sentiment que les mots ont été écrits dans l’urgence, le besoin de dire.
De dire la peur, la honte de cette peur, la colère qui gronde dans nos sociétés.
Pour moi il s’agit plus d’un très bon récit d’expérience et de faits sociétaux Qui nous rappelle à nos sentiments vécus (notamment sur ce contexte d’attentats, de peur) à la construction parfaite qu’un roman réellement littéraire.
• L’auteur :
Émilie Frèche
Émilie Frèche est romancière et cinéaste.
Elle est l’auteur de romans: « Les Vies denses » (Ramsay, 2001), « Une femme normale » (Ramsay, 2002), « Le Sourire de l’ange » (Ramsay, 2004), « Le Film de Jacky Cukier » (Anne Carrière, 2006), « Chouquette » (Actes Sud, 2010).
Et de deux documents autour de la mort d’Ilan Halimi : « La Mort d’un pote » (Panama, 2006) et, en 2009, avec Ruth Halimi, « 24 jours: La vérité sur la mort d’Ilan Halimi » (Seuil), « Deux étrangers », « Un homme dangereux »…
Émilie Frèche poursuit aussi une carrière de scénariste. En 2014, elle co-signe le prochain film d’Yvan Attal (sortie prévue en 2016), une comédie à sketchs sur l’antisémitisme.
Émilie Frèche poursuit aussi une carrière de scénariste. En 2014, elle co-signe le film engagé d’Yvan Attal Ils sont partout sorti le 1er juin 2016, une comédie qui dénonce les clichés liés à l’antisémitisme en France.
En 2015, elle co-écrit avec Marie-Castille Mention-Schaar (réalisatrice des Héritiers) un drame sur des jeunes filles candidates au djihad, « Le ciel attendra ».
*Source : Babelio
• Références :
- Vivre ensemble
- Auteurs : Émilie Frèche
- Maison d’édition : Éditions Stock
- Date de publication : 22.08.2018
Bonjour,
Je lis tes chroniques avec plaisir à chaque fois, merci pour ce joli blog littéraire.
Ce livre ne m’a pas inspiré et sa lecture m’a été fastidieuse en raison justement du « presque caricatural »…
La chronique d’Amandine en parle très bien, du récit paradoxal et de la « lecture interrogation » que j’ai vécu de la même manière
https://kroniques.com/2018/10/17/vivre-ensemble-emilie-freche/
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Merci pour ce message ☺️
Disons que c’est vrai que beaucoup d’ingrédients sont réunis au sein d’une même famille, sans compter également la violence des rues, des attentats qui viennent se greffer au récit. Ainsi que la dimension politique également du livre, même si l’auteure propose également un regard critique sur ce sujet.
Et c’est vrai que l’on peut avoir ce sentiment du trop.
Après le but de ce livre est plus que louable, il dégage quoi qu’il en soit une vision, un témoignage, des interrogations mais aussi un message de paix sur lequel Émilie Frèche rebondit avec « Peace » le nom du chien. Mais il ne m’a pas déclenché d’effet coup de coeur 🙂
Je vais aller lire aussi la chronique d’Amandine 🙂
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Je l’ai bien aimé aussi, et pourtant j’ai eu le même sentiment que toi du « trop tout mêlé » – j’ai trouvé qu’entre la famille recomposée, les personnages qui se retrouvent systématiquement sur le lieux des attentats et la jungle de Calais… ça faisait un peu beaucoup !
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Oui, on a énormément de sujets qui s’entrecroisent.
Après, sa construction est très bien pensée justement au regard de cette multitude de sujets, sans compter aussi la dimension politique qu’elle apporte à son récit.
En ça, c’est remarquable.
Mais en effet, pour le lecteur c’est un texte qui peut sembler à un moment un peu trop foisonnant.
Je pense par exemple que j’aurais pu me passer de la jungle de Calais dans ce récit.
Même si le sujet est nécessaire, et me touche profondément, j’aurais peut-être recentré les sujets.
Mais je ne suis pas écrivaine 🙈
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« Vivre ensemble », un choc à recevoir en cadeau! Emilie FRÊCHE signe, ici, un roman d’une actualité banale, vibrante et complexe. « Vivre ensemble » est une urgence, c’est ce qui peut expliquer, peut-être, le s traits forcés de ses personnages. A part cela, je découvre ce blog .. très, très intéressant! Merci!
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Oh merci beaucoup pour votre message. Oui comme vous dites, on ressent fortement cette urgence dans l’écriture de l’auteure. Le fond est juste, si ce n’est effectivement ce trait caricatural sur certains éléments 🙂
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