
• Le mood :
Un livre plein d’ivresse sur les angoisses d’un auteur face à la page blanche.
Un roman drôle et singulier qui parcourt la souffrance des écrivains au travers de leur addiction à l’alcool.
Et pose cette question : pour être un génie de l’écriture faut-il être complètement désœuvré et ivre de douleur autant que de pinard ?
• L’histoire :
« Hier, j’ai insulté mon éditeur au téléphone. Il paraît que j’étais ivre. C’est lui qui me l’a dit. »
Le décor est planté dès la première phrase.
Notre narrateur force un peu sur la bouteille.
Pour ne pas dire qu’il se biture constamment.
Ce livre est le fruit de son délire presque morbide qui, s’il est touchant, nous fait aussi rire.
« Si je bois je pers la boule, si je ne bois pas, je n’écris pas. Je désexiste, si, si ! »
Son éditeur fait les frais de sa panne d’écriture mais aussi de ses insultes nocturnes.
Les effluves d’alcool enrobant le tout.
Un écrivain triste et saoul aux prises de l’angoisse de la page blanche.
Et s’il n’avait aucun talent ?
Seule solution : noyer la peur au fond de la cuve.
Cette ivresse qui a porté le génie de tant d’écrivains avant lui semble ne lui être ici d’aucun secours.
Alors il en reprend encore un, juste un petit verre !
« Beaucoup d’écrivains insultent leur éditeur. Cela fait même parti de l’attirail des relations qui lient ces deux activités connexes, on peut dire ça comme ça. Céline insultait copieusement Gaston Gallimard (…). »
Si seulement il pouvait avoir le talent de la bouteille et de l’écriture d’un Hemingway.
Avoir ce secret du whisky accompagné d’une plume bien armée.
Être cet auteur désespéré et un peu fou que le monde adore parce qu’il meurt à sa place.
« Tout me ramène à l’idée de l’alcool. La littérature, la peinture, la musique. Saviez-vous que l’autopsie de Beethoven dévoila des organes rongés par l’alcool ? »
Tous y passent. Glenn Gould qui lui ne buvait pas, Colette qui picolait, Mozart qui ne refusait pas un verre de vin…
Depardieu mais aussi Duras !
Duras qui se cachait pour s’endormir.
« C’est angoissant la solitude alcoolique. »
John Irving ? « La baleine des lettres » qui nageait ivre et nu avec ses chiens.
« Comment devenir Duras ? Quoi boire ? Observer et m’émouvoir de la mort d’une mouche. »
Des moments plus graves ponctuent le récit.
Le suicide de Virginia Woolf dans la rivière.
Ce livre, c’est un peu un bar des suicidés.
Ils se rassembleraient tous et boiraient aux lettres, à la folie solitaire, aux jeux, aux voix qui hantent leurs esprits.
L’alcool pris à ce genre de dose n’est-il pas un suicide lent mais sûr ?
Le narrateur s’est enfermé chez lui.
Fenêtre recouvertes de carton il a fait un trou pour y voir le temps changer.
Comme si sa maison voyageait.
Il finit entouré de Duras, Proust, Céline et Marguerite Yourcenar et réussit ce tour de force de les faire tous dialoguer ensemble.
Il raconte la voix des livres qui se racontent eux-mêmes incessamment depuis des centaines d’années.
L’histoire enfermée là.
Et comment écrire sans emprunter leurs mots ?
Il fait une liste des mots à hurler dans les toilettes.
Des mots qu’on aime.
Veut faire cuire Madame Bovary et puis aussi Flaubert tiens !
« Comment savoir ce que l’on est ?
L’écriture sert à ça, paraît-il. »
• L’extrait :
« On peut affirmer qu’ils en auront édité, des génies qui boivent en regardant mourir les mouches, d’autres génies qui ne boivent pas et qui bouffent des nouilles en regardant mourir les juifs. »
• Mon avis :
Si certains pourraient s’arrêter au titre du livre, surtout n’en faites rien.
Le titre aurait pu me bloquer et pourtant.
J’ai découvert plein de petites anecdotes, trouvé incroyable qu’un auteur réussisse à faire dialoguer ensemble d’illustres écrivains.
Le texte est construit sur la psychologie d’un esprit en état d’ivresse. N’y cherchez pas un ordre ni une logique.
Nous suivons l’esprit d’un narrateur saoul, passant d’un sujet à l’autre.
Créant des scènes toutes aussi dingues qu’émouvantes.
Je m’amusais tout en éprouvant le délire du narrateur.
Si j’ai pu trouver quelques longueurs par instant, j’ai beaucoup aimé le suivre dans ses références, ses anecdotes, les épigraphes qu’il nous citait.
Le livre est parsemé des textes de ces grands écrivains dont on se délecte et qui finissent par nous hanter comme le narrateur.
• L’auteur :
Jean-Marie Gourio
*Jean-Marie Gourio est un auteur et un scénariste français.
En 1976, il fait son entrée dans le magazine Hara-kiri (dont il devient rédacteur en chef adjoint en 1978), puis dans plusieurs autres publications des éditions du Square (Charlie Hebdo, BD Hebdo…). Rédacteur en chef du magazine Zéro.
Il collabore avec de nombreuses personnalités du monde audiovisuel : Jean-Yves Lafesse, Luis Rego (Tribunal des Flagrants Délires), les Nuls (Histoire de la télévision ABCD Nuls, 1990, l’Emission, en direct du Pavillon Gabriel). Il participe également à l’écriture de plusieurs émissions de télévision (Merci Bernard; Palace; les Guignols de l’info, de 1989 à 1993) et de films (Inspecteur la Bavure, Sita-Java, L’eau des fleurs .)
Il est également l’auteur de plusieurs romans, écrits dans un ton moins humoristique que ses autres ouvrages, et qui reçoivent un bon accueil de la critique.
Il obtient le Grand Prix de l’Humour Noir en 1994 et en 1998, pour ses Brèves de comptoir. Prix Populiste en 1998 pour son roman Chut ! Prix Alexandre Vialatte. Prix Bacchus. Le Grand prix de l’Académie Française du jeune théâtre 2000 pour les Brèves de comptoir, théâtre.
*Source : Babelio
• Références :
- J’ai soif ! soif ! soif ! mais soif !
- Auteur : Jean-Marie Gourio
- Maison d’édition : Éditions du Cherche Midi
- Date de publication : 30 août 2018
Encore une belle découverte que tu nous présente là ! Merci 😊
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Mais avec grand plaisir ! Et glou ! 🤗
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