Avec toutes mes sympathies

• Le mood :

Un livre qui nous parle de la perte d’un frère.
D’un écartèlement de soi, d’une dévastation, d’un chagrin d’amour immense.
D’une colère qui ne se tait pas, d’une voix qui s’élève contre tous ceux qui ne comprennent pas.
C’est la naissance d’une écrivaine guidée par la voix d’un frère toujours là.


• L’histoire :

« Paris, automne 2015
J’ai perdu mon frère. Cette expression me semble la plus juste pour parler de toi aujourd’hui. Où vont les morts ? »

La première page déjà me traverse.
Les frissons déjà m’envahissent.
Je m’imagine perdre ma sœur.
Je revois ma mère perdre son frère.
Tout ce silence qu’elle a porté.
Tous ces souvenirs qu’elle a dû libérer.
Et je n’ai soudain plus de peau.

« Tu es beau, grave, ton regard est déjà intranquille, on dirait une maison vide. »

Olivia raconte la dévastation.
Ce monde qui lui appartient désormais,
Celui où personne d’autre ne peut pénétrer.
On ne nous dit pas la perte.
On ne nous dit pas la violence, ni le chaos.
Ni quand on pourra respirer de nouveau.

Où peut-il être ce frère disparu ?
Sa page Linkedin comme un dernier signe de vie.
Lui écrire. Attendre.

Recevoir des salves de mails du boulot,
De ceux qui vivent encore.
Avoir envie de hurler.
Vouloir se fondre dans tout ce qui est lui.

Sa musique, ses derniers messages.
Devenir lui.
Le chercher comme on tâtonne dans un couloir de nuit noire.

Vouloir le faire revivre encore,
À répétition, comme on rembobine une cassette.
À en devenir fou.
À en perdre la raison.

« Toute ma vie c’est courir après des choses qui se sauvent. »

Elle, qui est devenue critique pensant ne pas savoir écrire.
Et pourtant…

Et puis la colère.
Pour les silences de cette famille d’aristos.
Pour les croyances de ces imbéciles qui la pensent vernies de tant de cuillères d’argent.
Pour ces hypocrites qui lui tournent le dos parce qu’elle est mère à 20 ans.

« Est-ce pour cela que dans notre famille les mots ont tant de peine à sortir, et que les mots, nous les planquons sous les oreillers à taie impeccablement repassée ? Chez nous, on souffre avec un devoir de réserve. »

Pour ces médecins qui n’ont jamais su aider son frère.
Rugir.
Alors les livres permettent de chercher une vérité.

« La lecture est l’endroit où je me sens à ma place. Lire répare les vivants et réveille les morts. Lire permet non de fuir la réalité, comme beaucoup le pensent, mais d’y puiser une vérité. »

Puis un message retrouvé sur Facebook.
D’Alex. Son frère.
« Écris ce livre. »
Vos mots qui pleurent de ne pas sortir.
Vouloir les voir, posés sur des pages.
Les souvenirs de cet été 2015.
Se cacher derrière les rires des autres dans cette grande Maison de Cadaquès.

Ne plus pouvoir lire.
La mort prenant toute la place.
Tous les mots.
L’important c’est de rester là.
Avec lui.
Suicide.

« Ce suicide compte au moins triple, Alexandre de Lamberterie, cela fait beaucoup de points au scrabble. »

Alors elle revisite leurs souvenirs.
On rit, on s’émeut, on en chiale !

« J’ai la mémoire des autres. Je connais les souvenirs d’enfance de Patrick Modiano sur le bout des doigts, mais les miens sont nébuleux. »

D’où vient ce mal ?
Ce sang noir qui frappe beaucoup d’hommes de la famille ?
Lui, qui cache si magnifiquement son impossibilité à vivre.
Jusqu’à l’internement.
La vie sous surveillance, pour la maintenir malgré elle.

Le voir si résigné et y sentir la mauvaise augure.
Comme si l’avenir disparaissait derrière les barreaux de sa chambre.
Résigné à savoir qu’aucun médecin ne le sauverait.
Un désespoir sans objet, qui le tuait chaque jour un peu plus.
Un oiseau…
« Et si c’était mon frère ? »

Alors les voix se taisent
Les mots sortent avec la tiédeur du chagrin
Avec la fièvre d’après les flammes.

« Si pour toi c’est mieux, j’accepte de vivre décapitée. »

Et si Alex était partout, dans les mots, dans les plumes des oiseaux.
Alors ce serait si beau.


• L’extrait :

« Mais pourquoi tu l’aimais tellement ? Me demande-t-on parfois. Un frère, c’est les parents sans les incompréhensions et les emmerdements, ce sont ses racines, ce terreau de l’enfance qui nous a fait pousser. Un frère, c’est tout ce qu’on sait et qu’on ne peut pas dire aux autres. »


• Mon avis :

Jamais de ma vie je n’avais été prise de sanglots en lisant un livre.
Une larme de fin de livre tout au plus. Et si rare.
Mais là, des sanglots.
Comme une enfant, sans plus pouvoir trouver le moment où l’on doit respirer.
Ce livre est magnifique.

De par son humilité, mais aussi par la non-conscience de l’auteure du talent qu’elle détient et qu’elle nous offre dans ce premier livre déchirant.
C’est un livre d’un amour immense, d’une colère qui mettrait n’importe qui à terre.
Pour qui voudrait s’interposer entre son frère et son chagrin.
J’ai eu l’image d’une louve qui cherchait son frère.
Une meute inébranlable, un lien inaliénable.

La construction est superbe,
On navigue entre passé et le présent de l’écriture.
On vit avec Olivia tout ce qu’elle tente de contenir,
Les mots qu’elle refuse encore de laisser venir.

Il n’y a aucun pathos,
Il n’y a que la vérité.
Il n’y a que les mots et cette force incroyable qui s’en dégage.

À travers Olivia je revoyais ma propre mère il y a quelques années.
Son frère, sa perte.
Il ne s’agissait d’un pont ici, mais d’un arbre.
Alors c’est ça maman de vivre sans son frère ?
Vivre décapitée à jamais ?

On ne nous dit pas comment on pourra traverser cette tempête.
Ni si on en reviendra.
Alors poser les mots comme Olivia l’a fait,

C’est tenter d’exister, au présent, au moins cela, sans penser à rien d’autre.
Chercher la vérité dans les mots, encore, mais dans les siens cette fois.
Y’a-t-il une clé pour ne pas mourir de chagrin ?


• L’auteur :

Olivia de Lamberterie

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*Olivia de Lamberterie est une journaliste et critique littéraire française.
Entre 2006 et 2008, elle a collaboré en tant que chroniqueuse littéraire à l’émission « Le Bateau livre », animée par Frédéric Ferney sur France 5.
Depuis fin août 2011, elle est chroniqueuse dans l’émission « Il n’y en a pas deux comme Elle » sur Europe 1. Sur France 2, elle présente tous les vendredis la rubrique « Mots » dans Télématin.

Olivia de Lamberterie devient rédactrice en chef adjointe du magazine « Elle », responsable de la section littéraire, le 20 janvier 2012.

Elle intervient régulièrement dans l’émission de France Inter, « Le Masque et la Plume » et est correspondante pour Radio Canada.
Elle reçoit le prix Hennessy du journalisme littéraire 2014.

*Source : Babelio


• Références :

  • Avec toutes mes sympathies
  • Auteur : Olivia de Lamberterie
  • Maison d’édition : Éditions Stock
  • Date de publication : 22 août 2018

6 commentaires sur “Avec toutes mes sympathies

  1. Merci pour ce partage; il m’a beaucoup touchée. Mettre des mots sur l’indicible… C’est ce qu’elle fait et ce que vous faites. Je ne sais pas encore si j’aurai le courage de lire ce livre mais ce que vous en dites est magnifique et tellement vrai. Encore merci!

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    1. Merci beaucoup à vous Annick pour votre mot qui me touche énormément.
      Prenez le temps, il faut le lire au bon moment.
      Mais sachez qu’Olivia a su aussi mettre des rires au milieu de son immense chagrin.
      Ce livre est d’une force incroyable.
      ❤️

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