My absolut darling

Le mood :

On pénètre ici dans un monde où aucune âme n’est épargnée.
L’obscurité pour seule compagne. Inceste. Emprise. Manipulation. Un roman cinématographique dans un style remarquable.


• L’histoire :

Si les enfers avaient un nom ce serait Martin.
S’ils avaient un Royaume ce serait cette petite ville au nord de la Californie.

Un univers hostile. Sauvage.
Une maison épuisée. Les murs criblés de cibles et de balles.
D’un sol jonché de douilles rouillées.
Des rats qui parcourent la chambre et les assiettes sales.
L’océan menaçant et ses odeurs de varech.

« Tu as observé l’océan des années durant en croyant que ça avait un sens. Et ça ne signifie rien. »

Une petite fille survit ici. Entre ces murs. Turtle ou « Croquette » comme l’appelle son « Papa ».
14 ans. Armée jusqu’aux dents.
En difficulté scolaire. En retrait ; tout contact est un danger qui menacerait sa relation avec son père.

« C’est à ça que se résume ton ambition ? À devenir une pauvre petite moule illettrée ?»

Un père d’une puissance absolue.
Une descente au cœur de l’emprise terrible qu’il a sur sa fille.
Les mots ne mentent pas.

« Il l’attire à lui », « Tu es à moi. »

Des mots parfois d’une violence inouïe.
Un homme érudit, philosophe. Son intelligence comme un flingue dans la bouche.
Un monstre qui creuse la vérité de Turtle. La met à nu pour la posséder entièrement.

Le soir, Turtle attend. Viendra-t-il la chercher ?
Il la prend de son lit et l’emmène dans le sien.
Il y a bien un truc qui cloche, elle le sait.

« Turtle veut y aller, elle aussi, s’élancer. Elle veut couvrir du terrain. Partir, fuir dans les bois reviendrait à ouvrir le barillet de sa vie, à le faire tourner et à le refermer. Elle a promis à Martin, promis, promis et promis encore. »

Tout le monde sent. De « Papy » à sa prof Anna, de ses deux amis Brett et Jacob.
Mais personne ne bouge.
Turtle protège cette intimité avec son père telle une louve enragée.

Un univers menaçant et cauchemardesque à chaque instant.
Une fureur du père qui s’abat comme un fléau sur son petit corps.
Les coups terribles du tisonnier. Les supplications.

« Tu es à moi. »
« – À moi, dit-il d’une voix qui se brise.
Elle griffe la boue, en racle des poignées entières, essaie de se mettre debout et de se dégager de sa chaussure, en vain. Elle ne peut pas le laisser abattre une fois encore le tisonnier sur elle, elle ne peut pas. »

Absorber le silence en imaginant s’enfuir.
Une promesse comme un sacrifice au Diable.
Savourer cette part silencieuse et cachée d’elle-même.
Puis la culpabilité. Ce sentiment d’amour qui l’envahie malgré elle.

« Elle l’aime. Quand il est comme ça, quand elle voit à quel point il fait des efforts pour elle, même la souffrance de Martin a de la valeur à ses yeux. Elle ne supporte pas l’idée qu’il puisse être déçu, et si elle le pouvait elle l’envelopperait de tout son amour. »

Un secret terrifiant qui se construit dans l’ombre de l’horreur qu’ils protègent.

« Chaque faux pas de Martin est un secret entre eux deux, elle a le sentiment d’avoir violé cette intimité. Elle ne supporte pas que quelqu’un d’autre puisse voir ce qu’il a fait de mal. »

L’enfant qui protège son bourreau par cet amour inaliénable.

« Et même si tu n’en parles à personne, si tu ne montres aucun signe, si tu ne pipes pas un seul mot, mais que quelqu’un, n’importe qui, vient me voir et se contente de faire la moindre allusion, je tranche ta petite gorge et ce sera un putain de spectacle magnifique. »

Le Sig Sauer contre la tempe.
Savoir qu’il est possible de s’échapper.
À tout instant.

Le chasseur. Le prédateur et la proie.

Jusqu’où ira-t-il ?


• L’extrait :

« J’ai renoncé, à tout pour toi, dit-il. Je te donnerais n’importe quoi, Croquette. Mais est-ce que c’est ça que tu veux ? Qu’ils me traquent ? Parce qu’ils le feront. Si cette prof finit par piger. Si ce gros connard de proviseur découvre la vérité, si les gens se mettent à poser des questions, si quelqu’un comprend un jour. C’est ça que tu veux ? »


• Mon avis :

Un roman remarquable dans son style d’une obscurité infinie. Une psychologie des personnages d’une finesse incroyable. Au travers des pensées de Turtle que l’on suit, pas tout à fait sur nos jambes tellement les scènes nous épouvantent, on découvre les traits de chacun.
Leurs doutes, leurs lâcheté, la folie, leurs excentricités.

Le décor est presque cinématographique tellement il nous est détaillé.
Une nature rude entre forêt de séquoias et océan. La poésie d’un paysage désenchanté tel un cœur complètement déserté.

Gabriel Tallent nous immerge dans les enfers du long processus de l’emprise d’un père sur son propre enfant.
La culpabilité de la victime. Son impossibilité de fuir devant la haine et la violence. Son instinct d’amour profond pour celui qui n’est autre que son bourreau. La détestation de soi, de son propre corps lorsqu’il a été tant sali. Jamais aimé.

La lâcheté des hommes. De ceux qui sentent ou savent et ne font rien.
Un livre apocalyptique de l’âme humaine.
Une fois ouvert, on ne lâche plus ce livre.
Vous n’en sortirez pas indemne.

Petit bémol qui a pu me retenir un temps dans ma lecture : cet aspect très intellectuel érudit verbeux du père et des deux jeunes adolescents qui semble presque surréaliste dans ce décors où tout est laid.
Et pourtant je me suis complètement laissée faire. Et c’est ce qui fait sans doute toute la réussite de ce roman et sa singularité.


• L’auteur :

Gabriel Tallent,

gabriel_tallent.jpg

Nationalité : États-Unis
Né(e) à : Sante Fe (Nouveau Mexique) , 1987

Gabriel Tallent a grandi à Mendocino, en Californie, où il a fait ses études à la Mendocino High School. Diplômé d’un B.A. en littérature du 18ème siècle à l’Université Willamette en 2010, il a travaillé pendant deux ans en tant que chef d’équipe à l’association pour la jeunesse Northwest Youth Corps.

Après avoir publié des nouvelles pour différents magazines, dont le « Narrative » et le « St Petersburg Review », son premier roman, «  »My Absolute Darling », sur lequel il a travaillé de longues années, est paru aux États-Unis en août 2017.

Il vit aujourd’hui à Salt Lake City.

 *Source : Babelio


• Références :

  • My absolut Darling
  • Auteur : Gabriel Tallent
  • Maison d’édition : Gallmeister
  • Date de publication (France) : Mars 2018

4 commentaires sur “My absolut darling

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