
• Le mood :
À lire si vous avez du temps et que vous aimez les personnages Bovariens (je les aime).
Christina Stead dresse ici un portrait pointu de nos grandes comédies humaines que sont nos amours, nos jalousies, nos idéaux politiques et sociaux.
• L’histoire :
Elvira Western est dans un train.
Grand personnage Bovarien, elle vient de quitter son mari médecin avec lequel elle s’ennuyait terriblement pour rejoindre son jeune amant à Paris.
Audacieux pour une jeune femme, car nous sommes au beau milieu des années 30.
À Paul, son mari, elle ne laissera qu’une lettre avant de s’évaporer pleine de son nouvel amour et surtout de tous les espoirs (faux ?) qu’elle nourrit.
« Tu admets toi même que nous sommes malheureux. Autant divorcer que de vivre comme nous le faisons. Je pars quelque temps, pour voir si nous changerons de disposition, toi et moi. Peut-être tout est-il terminé. Peut-être que notre amour est mort. Peut-être ne nous sommes-nous jamais aimés. Je reprends ma liberté. Ne répètes-tu pas toujours que je suis libre ? »
Oliver, son jeune amant, encore Universitaire, est exalté d’amour. Il aime Paris, ses femmes, ses travailleurs de l’ombre, ses cafés (beaucoup)…
Une âme de communiste dans laquelle on entrevoit assez vite un génie de pacotille qui rejette toute appartenance en inventant des théories fumeuses socialistes.
Elvira découvre auprès de lui le pouvoir de son corps sur les hommes.
Elle fait la rencontre d’un homme étrange nommé Marpurgo, un naturaliste des âmes humaines. Qui n’aura de cesse de rôder autour du couple et de manipuler les esprits se jouant des plus faibles.
Elvira doit se méfier et se débat au cœur d’une société qui ne laisse à la femme que sa condition de cuisinière et de plante agrémentant les salons de ces hommes.
« (…) et leur sagesse de cuisinière ne fait que confirmer que si leurs estomacs réclament une côte de veau, le talent n’est qu’un jeu qu’ils jouent entre eux, une fois qu’on leur a rempli la panse. »
Oliver voit en elle une femme différente des autres. Mais lui n’est pas différent des autres hommes.
« – Une femme est une personne, non un élément décoratif.
Il y eut un silence. »
Et Elvira ne tarde pas à en faire les frais. Le doute en elle est immense. Une vie incertaine auprès d’un jeune inconstant est-elle préférable à une vie calme et sous la protection d’un mari responsable tel que Paul ?
Très vite elle se retrouve confrontée à une solitude immense. Délaissée par son jeune amant qui court les rues autant que les jeunes femmes rencontrées par-delà les cafés.
Chaque nouvelle nymphe l’irradie de ses charmes. Irrésistibles.
S’installe ainsi une danse malsaine et sombre entre plusieurs personnages qui observent de loin cette comédie amoureuse si prévisible pour des âmes averties telles que les leurs. Ceux qui ont eu plusieurs vies. Les abîmés. Les âmes damnées.
L’auteure, elle-même actrice de ces années 30 jette un regard de glace sur le mariage et la condition féminine tout autant que sociale et politique.
« Le mariage, il m’arrive de penser que c’est un peu comme marquer une génisse au fer rouge avant de la libérer dans la pampa et de prendre des paris sur la couleurs des veaux… »
Elvira a du mal à aimer. À s’attacher. Elle déteste les femmes sentimentales. Pourtant, tout en elle cherche un divertissement. Trop intelligente pour pouvoir être constante en amour à cette époque.
« Nous façonnons les hommes sans jamais les adorer. »
Elvira analyse et sonde froidement ses sentiments et ses impressions.
Elle ne flatte personne.
N’a jamais aimé.
« Je n’arrive pas à perdre la tête pour quoi que ce soit. (…) On ne me prend pas facilement au dépourvu non plus. J’essaie toujours de saisir les trames psychologiques sous-jacentes à une conversation plutôt que d’écouter ce qui est dit. Je vois le monde disséqué. »
Au fond, Elvira est une canaille. Avant-gardiste et féministe.
Mais trop inquiète de ses désirs de bourgeoise.
Nos désirs nous éloignent-ils de ceux que nous sommes réellement ?
Elvira est un projet pour Oliver, une idée.
Une image romantique lorsqu’il s’en veut.
Aussi vite oubliée.
• L’extrait :
« Je ne mélange pas mes femmes. Je suis bien trop sage pour cela. »
• Mon avis :
Un roman qui aurait pu être un pur chef-d’œuvre.
Une analyse rare, brillante et profonde de la grande Comédie humaine. Le sujet est vaste et Christina Stead s’est employée à en étudier chaque facette.
L’amour bien entendu qui tient une place prépondérante. Nos hésitations, nos doutes, nos infidélités, nos incartades, nos regrets, nos retours, notre nostalgie.
Mais aussi cette grande comédie des débats politiques, de ceux qui clamaient leur appartenance en un socialisme révolutionnaire en espérant pourtant seulement faire fortune et profiter des pauvres travailleurs trop peu avertis pour pouvoir un jour seulement espérer échapper à leur condition.
Elle sonde les rapports humains sous le spectre de l’amitié et de ses charmes parfois dangereux.
J’ai beaucoup aimé cette lecture, mais je me suis malheureusement perdue dans la dernière partie que j’ai trouvée trop riche en effets de styles inutiles, en digressions trop nombreuses, en métaphores trop fleuries.
Des écarts freudiens superflus encombrent le récit et le sujet principal.
Des longueurs donc, il m’a fallu m’accrocher sur la fin.
Un roman qui n’avait jamais encore été traduit en français. Je salue d’ailleurs le talent des traducteurs Lori Saint-Martin et Paul Gagné car il s’agit d’une œuvre importante et au verbe complexe.
• L’auteur :
Christina Stead
Née le 17 juillet 1902 à Rockdale en Nouvelle-Galles du Sud et morte le 31 mars 1983 à Sydney, est une écrivaine australienne. Son roman le plus connu, L’Homme qui aimait les enfants, figure au classement des cent meilleurs romans de langue anglaise (pour la période 1923-2005) établi par le magazine Time en 2010 et est considéré comme un chef-d’œuvre par de nombreux écrivains, notamment Jonathan Franzen, Angela Carter ou Robert Stone.
*Source : Wikipedia
• Références :
- Splendeurs et Fureurs
- Auteur : Christina Stead
- Maison d’édition : Les Éditions de l’Observatoire
- Publication : Mars 2018