Vingt-quatre heures de la vie d’une femme

• Le mood :

Un roman profond qui vous emmène sur les chemins du cœur d’une femme.
Il ne s’agit pas ici d’amour réellement. Mais de la complexité des sentiments qui sommeillent et parfois s’éveillent en chacune de nous…


• L’histoire :

Un homme arrive du train.
Il est midi.
Une chambre vue sur mer à l’hôtel
Beau, élégant, il se fait aimer de tous.
Puis Henriette disparaît.

Naissent alors des conciliabules.
La mari cri ! Pleure ! Cherche sa femme.
Elle l’a tout bonnement abandonné.
Partie avec ce bon gentleman.
Evaporée.

Le scandale est grand.
Les murmures de la nuit emportent les pleurs endormis.
Mais la discussion est brûlante.
Les hôtes sont ragaillardis par la grande affaire !
Les hypothèses vont bon train.
Honte sur cette femme qui a répondu à la passion.
Abandonné un mari et ses enfants.
Gourgandine !

Et si le jugement reflétait la peur de chacun ?
L’inavoué dans le cœur de ces dames ?
Le narrateur défend.
Remarqué par Mrs. C, elle va lui révéler son secret.

« Quelqu’un qui n’éprouve plus rien ne vit plus que par les nerfs, par l’agitation passionnée des autres, comme au théâtre ou dans la musique. »

Elle admire sa vivacité d’esprit et sa liberté.
Son féminisme et sa ferveur dans le non-jugement.
Mrs C. A perdu son mari à 40 ans.
Grand joueur au Casino.
Elle perpétue sa mémoire en revenant sur ses traces.
Une balade nocturne et mortuaire à Monte Carlo.
Et sa vie basculait.
Elle observe les mains et non les visages.
Cette danse des crispations.
Le langage de la peau et des muscles qui se tendent.
Les os qui craquent et redemandent.

Est-ce possible de sentir toute l’horreur à venir dans une paire de mains ?
Oui.
Quand le visage auquel elles appartiennent est aussi touchant.
De la même veine.
Voir naître l’étincelle de l’espoir du gain dans ses yeux
Puis l’instant d’après, y voir la mort s’installer peu à peu.

Partir sans plus rien.
Les jeux abritent bien plus que la perte d’argent
C’est l’abandon total de l’existence.
Être dedans ou en dehors.

Il ne s’agit pas là d’amour,
Non c’est plus complexe que cela.
L’envie de ranimer les ombres.
L’excitation du terrible.
Sentir le danger, la mort rôder dans chaque particule de l’air.

« (…) j’étais donc presque toute seule dans le jardin public avec cet homme à l’aspect de suicidé. »

Vouloir le sauver à tout prix.
Plonger avec lui.

« (…) tandis que de leurs mille et mille petits battements, les vagues de la mer invisible grignotaient le temps, tellement me bouleversait cette image de l’anéantissement complet d’un être humain. »

Une femme dont la vie n’a plus aucun but.
Une femme qui redonne vie à ce jeune homme au travers de son corps
Le libère.
Comme si faire don de soi réveillait la vie en elle.

Il ne s’agit pas d’amour et pourtant Mrs. C. ressent une blessure.
Elle aurait aimé qu’il la retienne.
Qu’il ne veuille plus partir.
Comme un thème freudien par ici…

L’abandon.

Vouloir s’abandonner à l’autre.
Désirer brûler. D’une passion.
Vouloir être possédée.
Se ficher d’être dépossédée du reste.

Confesser sa déception.
Confesser la perte de quelque chose qui a si peu exister
Et qui pourtant vit toujours si fort 24 ans plus tard…

La honte de s’être abandonnée.
D’avoir été rejetée.


• L’extrait :

« Ce qui alors me fit tant de mal, c’était la déception…la déception…que ce jeune homme fût parti si docilement…sans aucune tentative pour me garder, pour rester auprès de moi…qu’il eût obéi humblement et respectueusement à ma première demande l’invitant à s’en aller, au lieu…au lieu d’essayer de me tirer violemment à lui… qu’il me vénérâ uniquement comme une sainte apparue sur son chemin…et qu’il…qu’il ne sentît pas que j’étais une femme. »


• Mon avis :

Ce fut mon premier Zweig. Et je suis heureuse d’avoir choisi celui-ci.
Je comprends le succès incroyable de cet auteur. Un verbe extrêmement poétique, des métaphores oniriques. Mais une prose qui parle à tous. Qui rend les décryptages du cœur universels.
L’amour et la littérature ne font qu’un. Mais ce que Zweig explore est bien plus complexe.
Il sonde ces sentiments enfouis, parfois honteux. Dans ce cas précis il s’agit d’un événement qui date de 24 ans. Un battement d’aile dans une vie puisqu’il ne s’agit que d’une seule journée de la vie de cette femme. Et pourtant un sentiment de honte l’a habitée depuis.

Ce livre est une confession sur la honte d’avoir pu être rejetée.
D’avoir pu espérer tout quitter par passion pour un homme.
Pas forcément par amour, c’est là que la subtilité Zweigienne intervient.
Mais par idée de l’amour. Par envie, nécessité de briser l’ennui.
Parce qu’un événement nous réveille. Nous ramène à la vie.
Parce que l’on espère qu’il nous sortira de la nuit, qu’il nous fera battre le cœur.
Puis la honte de la terrible déception. Celle d’avoir cru possible. Celle d’avoir pu croire…
Je n’avais pas encore croiser dans la littérature ce thème abordé de cette manière.

J’ai beaucoup aimé dans cette édition pouvoir découvrir la vie de Zweig en préface, racontée par la romancière Isabelle Hausser. J’en comprend beaucoup mieux la sensibilité. Les tourments…


• L’auteur :

Stefan Zweig

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*Nationalité : Autriche
Né(e) à : Vienne , le 28/11/1881
Mort(e) à : Pétropolis, Brésil , le 23/02/1942

Stefan Zweig est un écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien.

Fils d’un père juif (sa famille est croyante mais modérée) riche tisserand et d’une mère issue d’une famille de banquiers italiens, il étudie la philosophie et l’histoire de la littérature, l’aisance financière de la bourgeoisie israélite lui permettant de suivre ses goûts.

Avant la première guerre mondiale, il voyage beaucoup en Europe, à la découverte des littératures étrangères. Il sera notamment le traducteur en allemand de Verhaeren. Il effectue de longs séjours dans les capitales européennes : Berlin, Paris, Bruxelles et Londres, puis se rend ensuite en Inde, aux États-Unis et au Canada.
Dans son journal, il se plaint de « l’inquiétude intérieure déjà intolérable » qui ne le laisse jamais en paix et le pousse à voyager.

Il s’engage dans l’armée autrichienne en 1914 mais reste un pacifiste convaincu. Durant la guerre il s’unit avec d’autres intellectuels, comme Sigmund Freud, Emile Verhaeren et Romain Rolland dans un pacifisme actif. Les souffrances et la ruine dont il est témoin le renforcent dans sa conviction que la défaite et la paix valent mieux que la poursuite de ce conflit.

Face à la montée du nazisme en Allemagne, il prône l’unification de l’Europe.

Sa vie est bouleversée par l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Dès les premières persécutions, il quitte l’Autriche pour l’Angleterre (Bath puis Londres). Il sera naturalisé en 1940. L’année suivante, il part pour le Brésil et s’installe à Pétropolis, sur les hauteurs de Rio de Janeiro. Effondré par l’anéantissement de ses rêves pacifistes et humanistes d’union des peuples, il se donne la mort, s’empoisonnant au Véronal avec Lotte Altmann, sa seconde épouse.

En 2006, l’association Casa Stefan Zweig a acquis la maison de Pétropolis et chargé l’architecte Miguel Pinto Guimarães de la rénover afin de la changer en musée.

Stefan Zweig est l’auteur de nouvelles : « Brûlant Secret » (1911), « La Peur » (1920), « Amok » (1922), « La Confusion des sentiments » (1927), « Vingt-quatre heures de la vie d’une femme » (1927) et « Le joueur d’échecs » (1943, posthume) ; de biographies : « Marie-Antoinette » (1932) et « Marie Stuart » (1935) ; d’un roman : « La Pitié dangereuse » (1938) et d’essais : « Trois Maîtres » (1921), « Le Combat avec le démon » (1925) et « Trois poètes de leur vie » (1928).

 

*Source : Babelio


• Références :

  • Vingt-quatre heures de la vie d’une femme
  • Auteurs : Stefan Zweig
  • Maison d’édition : Livre de poche
  • Publication : Août 2017
    (Dépôt légal de première publication : 1992)

4 commentaires sur “Vingt-quatre heures de la vie d’une femme

  1. « Un verbe extrêmement poétique, des métaphores oniriques. Mais une prose qui parle à tous. Qui rend les décryptages du cœur universels. » C’est très bien résumé, tout ce que je ressens quand je lis Zweig.

    Comme je te l’ai dit lors de notre conversation sur Instagram, j’espère que les autres oeuvres de l’auteur t’embarqueront autant, mais je n’en doute pas ❤

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