Apprendre à lire

• Le mood :

Un roman plein d’humour noir, un roman grinçant comme je les aime.
Une histoire entre un père et un fils. Des maladresses et des ratés, une justesse du texte qui touche.


• L’histoire :

« Je ne suis pas beau mais je ne suis pas laid. »

Grandir sans image.
Puis sentir l’ombre poindre
Celle du père face au miroir.
Ne pas pouvoir s’en détacher.
Feindre de ne pas sourire.
Une maman dont le cœur a lâché trop jeune.
Une place à prendre.
Elle était là. Inoccupée pourtant.

Un père de 86 ans qui oublie son lait sur le feu
Un père qui ne s’est pas inquiété pour Antoine.
Un père absent.
Pourtant Antoine a peur pour lui.
Peur d’être un mauvais fils.

Antoine est directeur de presse.
Froid, acariâtre et antipathique.
Il vit depuis 30 ans avec Alex.

Comment s’expliquer que l’on ait ce besoin si fort de se rapprocher
de ce qui nous a tant fait souffrir ?
Le père qui devient vulnérable,
L’enfant qui devient parent.

Au détour d’une lecture de publicité pour les tondeuses à gazon,
Le père exprime sa souffrance.
L’abcès. L’impuissance. La honte.
Il ne sait pas lire.
Si Antoine était un bon fils, il lui aurait déjà appris.
Et s’il savait lire,
Il pourrait être un meilleur père…

« – Laisse ces publicités où elles sont je m’entraîne…
– Tu t’entraînes à quoi ?
– Je m’entraîne à retrouver les mots que tu dis quand tu les lis. »

Une pudeur trop grande.

« J’ai trouvé sa demande de lui apprendre à lire et à écrire impudique, alors que la vue de ses testicules dépassant de son slip ne me faisait ni chaud ni froid. »

Le poids des silences d’une vie.
L’échec du modèle.
La peur de mourir sans avoir su.
Caresser les livres
N’oser prononcer son envie
Les reposer délicatement

La rudesse de ces deux cœurs qui s’opposent et s’attirent
Comment renouer ?
Comment offrir quelque chose aussi doux que la lecture
A celui qui n’a rien su transmettre ?

« (…)je ne savais rien de mon père, même pas s’il savait nager. »

Viennent les maladresses et l’empressement
Ce sera un prostitué qui se liera au père
Lui apprendra à lire
Et tant d’autres choses oubliées.

Quand l’armure se fend,
Une boîte pourrait bien s’ouvrir…

Apprendre à lire à son père
C’est un peu apprendre à le lire
Et par effet de miroir,
Apprendre à se lire soi-même.

Une porte ouverte
On se ressemble.


• L’extrait :

« – Mais à quoi ça va te servir de savoir lire ?
– À quoi ça va me servir ? Mais à lire. Peut-être que lire, ça fait mourir moins vite. »


• Mon avis :

Un immense merci aux 68 premières fois pour la découverte !
Un très joli premier livre écrit au masculin.
Un triangle détonnant. Le père, le fils et l’amoureux.
De l’humour. De la pudeur. Beaucoup d’amour au milieu de la rudesse des sentiments emprunts de rancunes, parfois de remords.

On y lit la douleur, l’importance  qu’ont les mots pour ne pas vivre dans l’isolement.
On y lit la peur. Celle de ne pas être à la hauteur.
On y lit la raideur. La seule alliée pour survivre.
On y lit la difficulté à donner de l’amour quand on n’en a jamais reçu.

Une écriture juste, incisive et efficace.
Le personnage et son langage est très bien construit.
Jamais il n’appellera son père « papa », très peu il le nommera père, souvent il le nommera « Le vieux ». Ce mot qui revêt tant de ressentiment.
Le maniement des styles. Celui de la froideur mais aussi de l’émotion dans les non-dits.


• L’auteur :

Sébastien Ministru

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*Journaliste, chroniqueur vedette à la radio belge, auteur de pièces de théâtre à succès (Cendrillon, ce macho s’est jouée pendant huit ans), Sébastien Ministru vit à Bruxelles. Apprendre à lire est son premier roman.

*Source : Babelio


• Références :

  • Apprendre à lire
  • Auteurs : Sébastien Ministru
  • Maison d’édition : Grasset
  • Publication : janvier 2018

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