
• Le mood :
Si vous avez envie de raffinement, de plonger dans les profondeurs des arts et de la gravure en y mêlant l’Histoire et l’aventure, ce roman vous captivera !
• L’histoire :
Inquisition Espagnole. 1485. Saragosse.
De jeunes novices prient agenouillés.
Une nef. Une présence. Une lumière.
Arbués, Grand inquisiteur de Saragosse sent la dague le transpercer.
Assassiné.
La haine du tribunal catholique s’éveille.
Torquemada, Roi de la Terreur ici-bas
chef suprême de l’Inquisition espagnole.
Il énumère les sentences et mises à mort.
Un homme de l’ombre observe : Angel de la Cruz.
Mercenaire, vagabond, les ongles sales…
Son fidèle Cerbero à la botte. Hideux et puant.
Cet homme, va devenir un « familier » et pénétrer le milieu des conversos.
Des juifs convertis au catholicisme.
Les flammes des bûchers les menacent.
L’exode, l’exil en secret se prépare…
Qui a tué Arbués ?
Mais surtout qui a osé caricaturer le visage de Torquemada placardé dans toute la ville ?
Angel est un artiste. Il sait lire les arts et les visages.
Il perce le sens des images. Reconnaît le trait de celui qui l’a tracé.
Les sens cachés dans les vides de la mine.
Seul un graveur au raffinement immense pouvait signer cette gravure de cette rose épineuse.
Angel s’invite chez Ménassé de Montesa,
Noble. Converso. Érudit.
Il abrite une collection de gravures incroyable.
Chacun tremble à la table.
Effrayé par l’envoyé du Grand Inquisiteur.
À cette table : Léa fille de Ménassé.
Rebelle, espiègle elle ne baisse pas les yeux.
Elle fixe la mort de son regard noir.
Yéhuda, fils d’Abraham Cuheno.
Il défiera le familier au jeu.
Entre eux, une étrange joute sombre et ténébreuse commence.
Celle des arts, mais aussi de la mort.
Plus personne n’est à l’abris.
On ne paie pas Dieu pour vivre…
« Angel arpente le pavé mousseux, foule les reflets de lune qui tremblotent dans les flaques, lève parfois le nez pour humer le silence, s’en imprégner comme d’un baume. »
Hallebardes
Auvents
Sentinelles
La torture exalte la ville.
Angel dessine dans la foule ceux qui se retournent
Tout le monde est suspect
Un geste est une rébellion
Un regard est une mise à mort
Le moindre souffle sera étouffé
Les jeux s’affinent
Des forfanteries
Les rôles s’affutent
Les regards se tiennent
La peau se hérisse
Les ennemis se tournent autour
Se rapprochant
Ils se ressemblent
Le chien flaire l’étrange
Mais ils ne sont que des pions
Bien pire les guette
« Qu’il sabre un visage ou qu’il en capture l’expression sur le vif, Angel procède de même. Il assouplit les jointures, débande les ligaments, laisse le poignet leste, tout en gardant le bras ferme. Il fait le vide, se désencombre, scrute sa proie tout comme son modèle, en soutient intensément le regard, avant de lui découcher un sec coup de lame. Ou de mine. »
Angel dessine avec la mine de son fusain
Caresse les vides de sa main.
Capturant ce qui ne se voit pas.
La rose se joue du familier
Interrogatoire
Indices
C’est la mort elle-même qu’il tient en filature
Elle lui glisse entre les mains
S’amuse
Se retient
Il n’y a plus d’autres choix que de miser
De s’immiscer dans le jeu
Qui est pris qui croyait prendre
Leurs vies sont intimement mêlées
Dans la mort
Lequel faillira ?
Pour Léa, la gravure est l’art qui s’insurge.
Elle émancipe la vision des peintres.
Et si une rose détenait tous les secrets ?
Et si quelques épines faisaient tout basculer ?
• L’extrait :
« Car la gravure est l’art des rebelles. Elle détourne encre et papier de l’usage sue leur ont assigné les scribes. Elle élargit le stylet de l’emprise des lettres et des signes lui donnant plus de leste. »
• Mon avis :
Dans ce roman qui porte haut les arts et l’Histoire de l’exode du peuple juif, on évolue au cœur du sens le plus profond que prennent les arts.
L’art du trait. De la main qui s’envole sur le papier.
De la suggestion, l’immatériel, l’aveu par l’absent.
On rencontre un des plus grand peintres de Rome.
On rencontre la révélation dans les zones inviolées des coins d’une feuille.
Dans la rose de Saragosse on dessine les parfums, on s’émeut d’une épine.
On cache des langages secrets dans les détails d’une gravure pour contrer les lettres qui, elles, trahissent les hommes.
Peindre ou graver à cette époque était se soumettre ou se cacher.
Braver les principes de l’église ne devait se faire qu’en contournant certains principes picturaux mais aucun œil novice ne devait pouvoir y déceler un affront.
Percer l’âme des choses.
C’est aussi un roman qui met en lumière le combat d’une femme au milieu d’une époque qui ne lui appartient pas. Se dévêtir du pouvoir que les hommes ont sur elle et sa beauté.
La beauté des descriptions picturales nous subjuguent.
Si fortes que l’auteur nous peint des tableaux vivants. Sous nos yeux.
Des scènes qui deviennent des œuvres bouleversantes christiques et révoltées.
La foule et la pluie telles des coups de fusain gribouillés.
Les yeux fermés et la tête penchée de Léa au milieu d’un décors plus sombre que la mort elle-même.
Les larmes ont glissées toutes seules sous les mots de l’auteur.
Cette scène de la Pieta revisitée…
• L’auteur :
Raphaël Jerusalmy
Raphaël Jerusalmy, a un parcours atypique puisque, diplômé de l’École Normale Supérieure et de la Sorbonne il a fait une carrière au sein des services de renseignements militaires israéliens
Il est aujourd’hui marchand de livres anciens en Israël.
« Sauvez Mozar » est son premier roman, après deux précédents ouvrages totalement différents.
Prix littéraire de l’Ecole normale supérieure de Cachan 2013 pour son premier roman.
*Source : Babelio
• Références :
- La rose de Saragosse
- Auteur : Raphaël de Jerusalmy
- Maison d’édition : Actes Sud
- Publication : janvier 2018