Le retour de Gustav Flötberg

• Le mood :

Envie d’un petit mojito littéraire ? De rire et de laisser votre esprit vagabonder sous la plume d’une écrivaine à la prose prenante et d’une incroyable fraîcheur ?
Attention, ce Flaubert des années 2014 n’est pas un troubadour !
Et c’est avec profondeur que les thèmes de notre siècles seront abordés.


• L’histoire :

Flaubert s’endort au Caire en 1880 avec son ami photographe Maxime Du Camp.
Il se réveille dans un hôtel à Paris en 2014.
Je ris.
Flaubert se réveille dans la peau de Gustav Flötberg…et je ris !
C’est tellement bon que j’en veux encore.
À la fenêtre ; des voitures sans chevaux…
Puis un appareil qui sonne avec le visage d’une jeune fille qui s’affiche.
Une valise avec pour vêtements des haillons de jardinier.

« Le caleçon raccourci était plaisant, la couleur flatteuse : les bourses en ressortaient alerte. »

N’y aurait-il que le café ici-bas qui n’a pas changé ?
Une pipe ! Il manque la pipe.

Un accident cérébral semble-t-il.
Un auteur islandais connu pour des sagas populaires comprend-il.
Il n’en fallait pas moins pour affoler notre Flaubert !

« Au coin d’une enveloppe, le minuscule portrait d’une fille en bonnet phrygien. Nom de Dieu, combien de rois avaient-ils déboulonnés ? »

Et cette assistante qui vivote autour de lui en nuisette orange…
Nancy Erocratos.
Prudence.
Elle a l’air malin… Méfiance…

Notre Flau-Flötberg apprend à manier le smartphone.
Fort utile cette chose.
On peut congédier sa fille (qu’on ne connaît pas) à distance…

« Combien de soirées gâchées à refroidir Louise Colet par des lettres interminables ! »

A-t-il vraiment parler islandais ?! Oui oui.
Google ne tarde pas à lui livrer ses secrets.
Dans 5 ans Flaubert devait écrire Madame Bovary.
Sans jamais n’avoir encore rien écrit.
Son avenir semblait glorieux.

Gustav développe un certain désir pour cette Nancy toute en chair.
Méfiance.
Et si Flötberg s’était réveillé à sa place en 1850 ?!

Ce siècle est étrange.
Les gens font mille choses à la fois.
Se pressent, grouillent, fourmillent.
Il n’y a plus de place ni pour le temps, ni pour la contemplation.

« Je crois que les couches de temps son simultanées. Elles sont seulement séparées par notre incapacité à les percevoir en même temps voyez-vous ? »

Flaubert aurait dû avoir 30 ans dans quelques mois.
Le corps de Flötberg et sa médiocrité, en ont 26 de plus.

« Comment se couler dans ce monde extraordinaire où les gens se convoquaient du bout des doigts, où tout était accessible et donné, où tant de spectacles ravissants s’encadraient dans leurs mains ? »

Maxime Du Camp ! Le retrouver !
Il saura quoi faire..

Google. Le chercher.
Trouver son passé…enfin son avenir passé.
Louise Colet. Celle qui le ridiculisa lui préférant Musset.
Lire des aberrations qu’il ne peut corriger sans passer pour fou.
Exhumer des traitrises, se voit défendu par un Maupassant inconnu.

Puis il y a cette femme de chambre ; Ouleymatou
Et son contour de l’iris bleu nuit.
Inculte. Il lui apprendra le Théâtre. Et Montaigne.
Comment peut-on vivre sans lui ?

Pour son éducation quotidienne ils se rendront donc aux Tuileries.
Près de la bonne femme maigre, d’un certain Giacometti.

Je ris mais au travers du regard de Flaubert, c’est le film de notre siècle qui se joue.
Je ne ris plus.
Les portables et l’immédiateté.
Les photos et notre volonté de vouloir tout conserver.
Internet qui déforme et attire certaines guerres.
La haine des peuples, les bombes, le racisme.
Le temps que l’on ignore.
Les vides que l’on déplore.
Une douceur lui manque.

« Vous ne connaissez rien au temps, vous autres, soupira-t-il. Vous ne fréquentez plus la durée. Vous n’avez que des frissons de seconde. Les siècles vous échappent. »

Ce passage m’a frappé.
« Des frissons de seconde. »
Dans un monde où l’amour peine à durer ne serait-ce que quelques jours.
Un monde où notre regard est constamment rivé sur l’avenir, le mieux, les avancées technologiques.
Nous ne prenons plus le temps d’observer vraiment.

Nous n’aimons plus la nature pour ce qu’elle nous offre.
Un monde devenu contre-nature.
Toutes ces solitudes. Maux de notre siècle.
Une autre chose me frappe.
Flaubert ne comprend pas que nous ne louions pas les services de ceux qui « chôment ».
À l’époque personne ne manquait, un travail était toujours offert.
Il s’insurge de celui qui laisse mourir sa propre mère dans un hospice.
Ce livre me fait du bien.
Derrière son apparente légèreté ce sont des sujets profonds que l’auteure Catherine Vigourt soulève.
Déposés là.
Entre les lignes, à qui voudra bien les prendre.

« Nos vies étaient courtes et bornées d’idioties, mais les vôtres n’ont pas la douceur dont nous rêvions. »

Nancy s’inquiète, une conférence littéraire avec un ministre a lieu dans 3 jours.
Nancy pose sur elle ce regard cruel que certains hommes déposent sur les corps des femmes qui se fanent.

Gustav n’écrit plus.
Et si c’était Maxime qui retrouvait Gustave ?
Et si se jouait ici et maintenant un duel détonnant pour la postérité et la gloire.
Pour ne jamais plus sombrer dans l’oubli.
Pour exister dans l’Histoire.

 


• L’extrait :

« Ce qu’elle avait s’appelait un chagrin d’amour. Les plantes n’ont pas la sève pour le dissiper. Aucune main humaine ne vous le sort de la chair. Aucune planète n’a la pierre conjuratrice. »


• Mon avis :

Le retour de Gustav Flötberg est un livre à l’écriture terriblement surprenante.
Un humour et une liberté si rare en littérature que l’on pourrait se rouler dedans de plaisir !
Catherine Vigourt manie les langues des siècles et les perceptions des deux mondes avec brio.
Elle sème le récit de multiples détails sur les souvenirs de Flaubert. Sa vie, sa maison, ses rues.
J’ai lu son livre d’une seule traite en totale immersion.
Ce livre est un petit OVNI dans le paysage littéraire.
Il fait preuve d’une véritable imagination tout en allant toucher de vrais sujets.
J’aime beaucoup la folie de cette écrivaine que je n’avais encore jamais lue.
Mais que je lirai encore c’est certain.


• L’auteur :

Catherine Vigourt

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Enseignante et écrivain française

Elle publie une œuvre littéraire dans différents genres ainsi que sur son site http://www.catherine-vigourt.net Ses textes rencontrent un public croissant, retiennent l’attention des critiques et suscitent des traductions, notamment en coréen.

Un parcours récompensé par le Prix François-Mauriac de l’Académie française en juin 1997 et par le Prix Bourgogne décerné au Salon du Livre de Dijon en novembre 2000.

Elle enseigne actuellement au lycée Hector Berlioz à Vincennes (94), ses élèves l’apprécient pour sa patience et sa culture.

1996 « Pense à Tolstoï »
1997 « La vie de préférence »
1998 « Le paradis pour tous »
2000 « La maison de l’Américain »
2004 « Côté nord »
2010 « Un jeune garçon »

*Source : Babelio


• Références :

  • Le retour de Gustav Flötberg
  • Auteur : Catherine Vigourt
  • Maison d’édition : Gallimard
  • Publication : janvier 2018

2 commentaires sur “Le retour de Gustav Flötberg

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