Les Rêveurs

• Le mood :

Un roman touchant qui raconte les mystères et les silences de l’enfance.
Ses métamorphoses et ses névroses. Ses repères, même quand tout va de travers.


• L’histoire :

On la connaissait actrice ; Isabelle Carré est aussi écrivain. Elle ne s’est pas mise à écrire, non, elle a toujours écrit. Elle nous raconte son enfance dans une famille un peu déglinguée en plein milieu des années 70. Elle comble les morceaux manquants avec ce qu’elle imagine, ce qu’elle a rêvé.

L’auteur nous embarque dans les métamorphoses de l’enfance. C’est sans doute ça un bon rêveur.  Ceux qui savent revenir habiter les souvenirs de l’enfance. Y revenir quand ils le veulent, marcher dans les couloirs des lieux désertés de l’enfance. Ces endroits où plus jamais nous ne sommes revenus.
Souvent elle m’a renvoyé à des scènes ou des sentiments vécus.
Les mots qui nous marquent, les scènes comprises par l’enfant qui les a surprises au travers de l’embrasure d’une porte.

Les mots que l’on ne dit pas et qui pourtant crient à nos oreilles.

« Il y a des chocs silencieux, presque invisibles, qui modifient entièrement le fragile équilibre d’un être, et passent pourtant inaperçus (…) »

Elle a ce talent de décrire les douleurs sourdes qui implosent. Ces instants puissants où l’on observe sans l’être. Où le regard ne se tourne pas vers vous et les chemins s’écartent pour toujours.

L’histoire de l’auteur, c’est aussi l’histoire du chemin de la liberté. Des chemins qui se croisent entre une mère et une petite fille à quarante ans d’intervalle. Des drames qui se répètent dans l’histoire tant qu’on ne les a pas prononcés.
De ce que peut engendrer en nous un manque de tendresse et d’amour.

Une maman qui a été bannie de sa famille qui tentait de conserver les bonnes normes aristocratiques. Tombée enceinte, en déshonneur, elle sera contrainte à l’exil.

Je me souviens alors de ce livre terrible La Honte d’Annie Ernaux. Écrit sur ces mêmes années 70, à Paris. Elle, n’a pas eu le choix. Elle, a vécu le « si ».

Isabelle nous raconte son histoire sans ordre chronologique, comme les faits la submergent, comme elle peut les expliquer. À nous de la suivre, sans faire de bruit.

Elle grandit dans une famille originale qui tente de fuir les normes dictées. Elle ne connaîtra pas le film La Boum (trop neuneu), ne pourra pas jouer à la Barbie (trop misogyne), mais elle et ses frères sont heureux. Au début. Elle revient sur les douleurs de ses exclusions par les autres. Ses différences à commencer par ses habits. Les enfants de son âge qui ne souhaitaient pas lui parler. Toutes ces questions qui l’envahissent sans trouver de réponse.

Les premiers émois sexuels, cachés. Les silences et les refuges de l’enfance quand on ne veut pas être vus.

Puis sa mère bascule.

Une mère qui porte sa souffrance depuis trop longtemps et sombre. S’efface. Ne finit plus ses phrases, n’en commence plus. Ne mange plus. Le mal est trop grand, par où commencer ?
Un papa qui ne préfère pas qu’elle aille chez le psy.
Un papa qui souffre aussi, sans rien dire.

Et elle ? L’enfant. Elle aimerait être importante, connaître son rôle. Celui qui deviendra plus tard le théâtre. Là où elle devait être et transcender son être.
Enfant, elle fugue. Juste un peu en attendant que quelqu’un vienne la chercher. Rentre déçue que personne ne se soit inquiété.

Je ris des scènes d’abandon des enfants (elle et ses frères) dans la voiture pendant que les parents s’en vont visiter des bureaux. Je me rappelle de scènes traumatisantes petite, où mes parents m’ont laissé dormir dans la voiture pensant bien faire. Je me réveillais en hurlant, seule. Il n’y a rien de pire pour un enfant que ce sentiment d’être abandonné par un parent.

Il y est question d’amour. Il y est question de la construction de soi au travers de sa sexualité. En tant qu’enfant, en tant que parent. Je ne vous en dit pas plus pour ne rien gâcher des jolies découvertes de ce livre.


• L’extrait :

« Voilà sans doute pourquoi ma mère ne voulait jamais couper mes cheveux (…). Je ne savais pas encore que la longueur de ses cheveux lui avait un jour sauvé la vie. »


• Mon avis :

J’ai beaucoup aimé la délicatesse et la justesse avec laquelle Isabelle Carré s’est racontée.
Elle nous offre sa partie émergée mais aussi des bribes de morceaux de ses cahiers d’adolescente, comme une intimité partagée. Comme pour mettre un peu plus de réel dans ses rêveries.


• L’auteur :

Isabelle Carré

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*Isabelle Carré est une actrice française, née le 28 mai 1971 à Paris. Elle a obtenu le César de la meilleure actrice en 2003 pour son rôle dans « Se souvenir des belles choses » ainsi que le Molière de la comédienne à deux reprises (en 1999 : Molière pour « Mademoiselle Else » et en 2004 pour « L’Hiver sous la table »).

*Source : Babelio


• Références :

  • Les Rêveurs
  • Auteurs : Isabelle Carrée
  • Maison d’édition : Grasset
  • Publication : janvier 2018

 

6 commentaires sur “Les Rêveurs

  1. J’hésite vraiment à le lire … c’est un peu encore une histoire personnelle. Je viens de voir que Mathilda May sortait aussi un écrit sur elle, son enfance bientôt chez Plon. Avec en plus toutes les émissions, les articles sur ces personnes connues, je finis par me lasser et j’aime presque mieux les histoires d’inconnus … J’hésite …

    Aimé par 1 personne

    1. Oui je comprends complètement ce que tu veux dire. Je t’avoue que c’est plus parce que j’aime vraiment Isabelle Carré que j’ai eu envie de la lire. Je ne suis pas très à l’aise avec le fait de lire des livres de personnalités qui ne viennent pas directement de l’univers de la littérature, ou qui sont nés grâce à leur écriture, parce qu’on les a aimé pour ça. Je ne lirai sans doute pas Mathilda May, mais j’ai aimé cette parenthèse avec Isabelle Carré.
      Tout dépend si tu l’apprécies et que tu as envie d’en savoir plus ☺️

      Aimé par 1 personne

    1. Oui, comme toi je ne suis pas vraiment pour le côté people qui se raconte en mode auto-biographie et encore moins quand c’est dans le but de faire pleurer dans les chaumières. Mais sincèrement, celui d’Isabelle Carré mérite vraiment d’être lu. Il est humble, délicat, tendre. Comme elle 🙂

      J’aime

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