Vie de David Hockney

• Le mood :

Une plongée en apnée dans la vie de David Hockney, ses périodes bleues, ses périodes sombres, celles qui se cherchent, ses amours, ses disparitions…


• L’histoire :

Un très beau livre que signe Catherine Cusset sur la vie de David Hockney. Du courage et de l’audace il lui en aura fallu pour écrire sur un monstre de l’Art, toujours vivant. J’aime qu’elle ne lui épargne rien, même en sachant qu’elle sera sans aucun doute lue de lui. Son égocentrisme, son égoïsme, ses ruptures parce qu’il ne savait pas regarder l’autre tel qu’il était. L’auteur porte également un regard tendre et plein d’admiration sur cet homme aux milles mouvements qui ne pouvait que créer pour vaincre la mort. Celle qui l’entoura très vite, dès le début de sa vie. Peindre c’était l’éloigner et se rapprocher du but. Une bête de travail aux 3 infarctus, il lui fallait aboutir à celle qui serait sa plus grande œuvre.

« La peinture devait englober le spectateur, afin qu’il se sente intuitivement en empathie avec l’œuvre. Voilà pourquoi elle devait être aussi grande. Sa taille rappellerait à l’homme sa petitesse, devant l’immensité. Il souhaitait reproduire l’espace bien plus mystérieux que la surface que montrait la photo. »

Dans ce récit, on se déplace de tableau en tableau en explorant avec l’écrivain et le peintre les couleurs, les perspectives, le trait, l’émotion, l’éloignement de la réalité, les éléments psychanalytiques, les mouvements dans le temps, la perte, l’amour, la recherche.

Et ces portraits…tous ces portraits…Je me suis demandée à un moment si ce besoin de représenter les personnes qu’il aimait n’était pas une lutte directe contre leur disparition. Les rendre éternels dans une posture immuable à la perspective inversée. Provocateur devant les critiques mais aussi devant la faucheuse.

David est un petit garçon heureux qui grandit en Angleterre sans jamais avoir su qu’il était pauvre. Un père fantasque qui retapaient de vieux vélos pour gagner quelques sous. David le regarde peindre ces objets comme un artiste. Il dessine depuis toujours, même quand le papier est venu à manquer après-guerre. Jeune prodige, ses professeurs l’orientent vers les Beaux-Arts. Il devra pourtant travailler en attendant d’y entrer.

Sa sexualité il ne la cherchera pas longtemps. Elle vient à lui un soir, dans un cinéma. Dans le noir, une main, un sexe d’homme, le premier plaisir.

À 18 ans David vend son premier tableau « Maman j’ai vendu papa ! ». Un portrait de son père.
Arrivé au collège il sait qu’il ne peut plus peindre du figuratif. Le petit provincial se doit d’être dans son temps. Il ne s’arrêtera plus de peindre et finira sans un sous pour acheter ses toiles et ses tubes.
Grâce à un concours il gagnera assez pour continuer.

Il sera le premier artiste figuratif à figurer dans une galerie au milieu de peintres abstraits et tous connus.

Ce qui l’intéresse : l’art, les corps et les couleurs. Il découvre la liberté sexuelle, les hommes.

David partagera sa vie entre Londres (amis, famille) et Los Angeles (sexe, drogues). Ces voyages l’inspirent et le pousse aux rencontres.

À l’UCLA où il donne des cours, il rencontrera Peter ; 18 ans, il en a 29. Son premier amour. Le milieu gay est infidèle et libre mais David sait que ça ne peut pas leur arriver.

Il introduit Peter dans le beau monde. Travaille à sa première rétrospective des dix dernières années de travail. Peter se sent seul face à la passion dévorante de David pour son Art. Il se sent disparaître sous son influence. Il ne se sent pas regarder comme celui qu’il est.

Peter s’en ira. David l’attendra deux ans durant, sans que jamais Peter ne veuille revenir. Comment vivre sans l’homme que l’on aime ? Comment oublier après avoir passé tant de temps à vouloir le peindre tel qu’il aurait aimé être regardé ?

Commence alors un long travail psychanalytique pour sortir de cette dépendance sentimentale. Il peint le portrait de ses parents. Il rencontre Gregory qui accepte ce pacte de l’Art. Une union libre qu’ils acceptent tous deux. Les corps qui se mêlent, s’entremêlent dans la joie et l’innocence. Nous connaissons la suite…
La mort arrive.

David fuit la répression contre les gays et part en Californie. Il peindra ces toiles que j’aime tant. Ses bleus, ses piscines aux reflets hypnotiques.

David a 40 ans, et défend l’idée que l’art doit s’adresser à tous. Il pourfend les œuvres jugées trop abstraites. La critique le mord, mais il le leur rend bien. Toujours plus provocateur.

La mort frappe. David perdra de nombreux amis. Des suicides, des cancers, et le sida…passant inexorablement à travers les mailles du filet.

« Aucune ville, aucun continent épargné. La mort partout, comme au Moyen-Âge, à l’époque de la Grande Peste. Peut-être que la mort était surévaluée. »

Depuis 70 et sa rétrospective à la WhiteChapel Galery, il a peint très peu de tableaux. Comment ressentir à nouveau cette urgence de peindre à travers les veines ?

Il se lance. Lutter contre la tyrannie de la perspective, retravailler des espaces plus vrais que la réalité.

En 88 c’est une rétrospective sur 30 ans d’oeuvres de l’artiste. Ce qu’il y voit en observant son travail c’est le mouvement, la vie. Cette volonté de sauver la peinture de l’oubli. La sauver de la photographie et du cinéma qui menaçaient alors les toiles et leurs pinceaux de disparaître si l’ennui du public venait à survenir. C’était ça aussi, quitter un mouvement quand l’ennui arrivait. Ne s’autoriser que le plaisir comme moteur.
À 50 ans David arrêtera le sexe. Il est un rescapé parmi les morts.

David Hockney c’est aussi l’homme qui envoyait ses œuvres par fax. Celui qui provoquerait jusqu’à exterminer ces critiques réacs qui lui préféraient Le jeune Hirst.
Expérimenter, jusqu’au bout.

« Il était certain que Van Gogh aurait griffonné sur son iPhone, s’il en avait eu un, les petits dessins qui émaillaient ses lettres à Théo, et que Rembrandt aurait aussi utilisé la technologie s’il y avait eu accès. »


• L’extrait :

« Il n’avait pas peur de dire ce qu’il pensait et de lancer une bombe dans le milieu des critiques. L’Art appartenait aux artistes, pas au théoriciens. Après tout, il avait toujours avancé à contre-courant. Et il n’avait rien contre le scandale, qui attirait l’attention sur son travail. »


• Mon avis :

J’avais laissé Catherine Cusset l’an dernier, avec son sublime roman-hommage à son ami décédé. L’autre qu’on adorait.  C’est dans un tout autre registre que je la retrouve, elle, ses mots. Je me suis délectée de son récit sur la vie de David Hockney, j’ai aimé les libertés qu’elle a pris dans ses interprétations de cœur. Toujours dans le respect de la vie de l’artiste. J’ai aimé retrouver les bleus et les palmiers de Californie du peintre. J’ai adoré apprendre à mieux connaître la vie de cet homme. Ses travers, sa folie, son génie, son besoin de vie par-dessus tout au milieu du chaos.


• L’auteur :

Catherine Cusset

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*Catherine Cusset, ancienne élève de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm et agrégée de lettres classiques, elle a enseigné la littérature française du XVIIIe siècle à l’université Yale, aux États-Unis, pendant douze ans.

Elle vit à New York avec son mari américain et sa fille.

Elle est l’auteur de onze romans parus chez Gallimard entre 1990 et 2016. Elle est traduite dans une quinzaine de langues.

« Un brillant avenir » a obtenu le prix Goncourt des lycéens en 2008.

« L’autre qu’on adorait », paru en 2016, figure parmi les 4 finalistes du prix Goncourt.

*Source : catherinecusset.co.uk


• Références :

  • Vie de David Hockney
  • Auteurs : Catherine Cusset
  • Maison d’édition : Gallimard
  • Publication : janvier 2018

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