L’Embaumeur ou l’odieuse confession de Victor Renard

• Le mood :

Si vous aimez la belle langue, que vous êtes avide d’histoire et que vous ne souffrez pas les détails morbides, c’est 526 pages de pur bonheur et de suspens mordant que vous allez vivre.
Voyez-le même comme un thriller historique et partez sur les traces de cet incroyable Victor Renard.


• L’histoire :

Victordu, Victorniole ! Nous voici contée la sombre histoire de Victor Renard. Dans ses moindres détails, au cours d’un long procès de onze jours, pendant lesquels il reviendra sur les faits marquants de sa vie pour expliquer l’inavouable.

Né d’une grossesse non désirée de celle que l’on appelait alors la Baronne puis enfin la Pâqueline, la plus odieuse des marâtres qu’il vous sera donnée de croiser dans un livre ; le petit Victor fut un enfant martyr. Haï et battu par sa génitrice qui s’imaginait alors grande comédienne et s’est vu enlever son rêve par son « chiard ».

« Ma mère était hantée par la propreté : toute la netteté absente de son cerveau devait habiter dans ses placards. »

Martyrisé par son père, Johan Renard, joueur de serpent et professeur de musique dans sa paroisse, le petit Victor aura grandi dans les plus grandes humiliations.

Il est étonnant qu’il ait ainsi survécu à ses premiers jours.

Né avec une difformité due à un torticolis congénital, ses parents n’auront de cesse de le nommer le meurtrier de son frère jumeau qu’il aurait assassiné dans le ventre de sa mère à l’aide de son cordon ombilical. Elle refusera de l’alimenter depuis les premiers jours de sa vie en le mettant au tiroir ne lui donnant pour seule nourriture que du jus de pommes vertes…

Victor n’aura connu de douceur dans son enfance que son oncle Elie et sa tante avec qui il travaillait à la préparation de plats et de viandes.

À la mort de son père il deviendra embaumeur. C’est ainsi qu’il échappera à sa condition misérable. Et c’est auprès de Monsieur Joulias qu’il apprendra les pratiques antiques de la médecine des morts et le commerce des organes. Mais par-dessus tout, que la bonté existe. Il fera fortune. Au lendemain de la Révolution, les morts ne manquent pas.

C’est donc face à la foule, à ses juges, à ses anciens amis que Victor Renard décide de tout révéler de son histoire. Sans filtres, sachant pertinemment que la guillotine l’attend au bout. Son histoire d’amour avec sa tendre prostituée Angélique. Son mariage arrangé avec Judith, sœur d’un frère aussi honnête qu’un voleur. Nous n’en finissons plus de rebondissements et de confidences, passant la porte des peintres les plus illustres en nous demandant à chaque instant ce qui a bien pu se produire pour en arriver là.


• L’extrait :

« Je sais que ma condamnation est décidée, le récit des circonstances de mon forfait n’est, à vos oreilles, qu’un divertissement puisque vous en connaissez la fin ; vos gens m’ont surpris en flagrant délit. L’histoire de ma vie, ce sentier qui m’a conduit à commettre ma faute, ne servira qu’à persuader les foules de ma monstruosité. »


• Mon avis :

Que de surprises en cette rentrée littéraire 2017…

J’ai été subjuguée par ce roman historique dès ses toutes premières pages. Un suspens incroyable qui m’aura fait le dévorer. Pendant ces quelques jours de lecture, je n’avais plus que L’Embaumeur à la bouche, la tête remplie des images du récit qui m’a entièrement habitée (je risque d’ailleurs d’avoir beaucoup de mal à m’en défaire les jours qui viennent…). Ce que j’y ai appris m’a passionnée. Tout autant pour l’histoire de son personnage principal que pour la qualité des dix années de recherches historiques de l’écrivain qui l’ont conduit à un véritable chef d’œuvre.

L’auteure y manie avec excellence l’amour des mots et de la belle langue du XVIIIème siècle.

Elle nous instruit tout en s’amusant de cette ambiance sombre et macabre des rues de Paris qui suintent, nous contant les puanteurs de l’époque, les infamies pratiquées, le sang et la violence des mœurs d’une période de l’Histoire qui me fascine depuis toujours tout autant qu’elle me repousse dans la simple idée que j’aurais pu naître à cette époque. J’ai lu de nombreux livres sur ce siècle pour mieux comprendre comment la société française et ses rois : Louis XVI et Marie-Antoinette avaient ainsi basculé.

Les mémoires de Rose Bertin, l’habilleuse de la Marie-Antoinette reviennent d’ailleurs sur de vrais faits historiques rédigés après leur mort, et remettent à leur place de nombreux faits erronés encore enseignés dans nos écoles… Mais j’avais surtout aimé les petits potins de cette habilleuse qui nous en apprenait tellement sur son époque, les liens entre les différents personnages, les pratiques sur les femmes qui seraient sévèrement condamnées aujourd’hui.

Bref, je m’égare. Ce que je voulais dire, c’est que rien de ce que j’avais pu lire jusqu’à aujourd’hui ne donnait autant de détails sur cette fin du siècle des Lumières. Autant sur les faits historiques que sur les Grands secrets de l’Histoire.

J’ai été totalement envoûtée par la découverte des pratiques de trafic d’organes de l’époque.
Amoureuse de ses peintres, et ayant d’ailleurs vu il y a trois ans la très belle exposition de Vigée Le Brun, j’étais à mille lieux de me douter que ceux-ci pouvaient être peints avec le sang des cœurs des Rois… Et que tant de sépultures avaient pu être profanées.

Ce livre est un trésor, un bijou de par sa grande liberté de ton. L’Histoire nous est contée comme nulle part ailleurs. J’ai été captivée par le récit du procès de Victor Renard. Sa vie terrible et son verbe m’ont totalement emportée. La force du détail m’a souvent heurtée, mais il faut bien l’avouer aussi, a excité ma curiosité morbide de lectrice assoiffée d’en connaître plus sur les circonstances effroyables d’un tel procès.

Je ne vous en dis pas plus. Car trop en dire serait vous en gâcher la lecture. Il est trop délicieux à découvrir.


• L’auteur :

Isabelle Duquesnoy
Isabelle_duquesnoy

*Isabelle Duquesnoy est diplômée d’histoire et de restauration d’oeuvres d’art de l’Ecole de Sienne. Pendant une dizaine d’années, elle a été enseignante et directrice d’une école de Beaux-Arts.
En 2003 paraît chez Plon, la première partie de son ouvrage consacré à Constance Mozart, préfacé par le conservateur en chef du Mozarteum de Salzbourg et finaliste du prix des Muses 2004. Les Confessions de Constance Mozart, tomes 1 et 2, ont été traduits dans plusieurs langues, ils sont aujourd’hui considérés comme principale source d’information sur la veuve de Mozart.
Elle est mariée, 2 enfants (1997 et 1999), vit près de Caen.

*Source : Babelio


2 commentaires sur “L’Embaumeur ou l’odieuse confession de Victor Renard

    1. Vraiment je te le recommande avec 5 petites étoiles ⭐️ Il est sublime, brillant. L’auteure place le lecteur sur le banc des spectateurs de ce procès. Rien ne nous est épargné et pourtant on ne veut pas en perdre une miette tellement son histoire est poignante 🙂

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