
• L’auteur :
Véronique Olmi
*Véronique Olmi est née à Nice en 1962
Après avoir suivi des études d’art dramatique chez Jean-Laurent Cochet, Véronique Olmi a été assistante à la mise en scène pour Gabriel Garran et Jean-Louis Bourdon de 1990 à 1993.
Auteure pour le théâtre, elle a également publié, en 2001, chez Actes Sud, son premier roman, « Bord de Mer » qui a reçu le Prix Alain-Fournier.
Elle a dirigé durant trois ans le comité de lecture du Théâtre du Rond-Point.
A la demande de Laure Adler, elle a produit et animé 5 numéros d’une émission sur France-Culture « C’est entendu ! ».
Elle a signé pour le Figaro Madame un reportage: « Les amazones de Tsahal ».
« Cet été-là » reçoit le prix des Maisons de la Presse en 2011.
En janvier 2012, le Festival « Le Paris des femmes » au théâtre des Mathurins s’est déroulé sous sa direction artistique.
« Nous étions faits pour être heureux » sort en 2012.
*Source : Wikipedia
• Le mood :
Ce roman est dur. Qu’on se le dise. On ne peut pas prendre de la distance avec les mots en se rassurant d’un « C’est un roman ». Non, Bakhita a existé. Elle a vécu l’horreur qui y est décrite, puis un jour elle a raconté. SON Histoire. Mais celle de tant d’autres aussi…
Si vous êtes dans un mood un peu fragile en ce moment passez votre chemin. Il faut être bien pour le lire, il faut du courage pour accompagner Bakhita sur les mots qui décrivent son histoire. Mais cette Storia meravigliosa est un pur chef d’œuvre. Nous devons le lire.
• L’histoire :
Bakhita, est une Dajou née au milieu du XIX siècle dans un petit village nommé Olgossa au Darfour.
Fille du frère du chef du village, elle n’en reste pas moins la proie des négriers qui sévissent dans tout le pays et même ailleurs. Pillage, village brûlé, petites filles violées et petits garçons enlevés pour devenir parfois eunuques (ils valent plus cher…). Femmes kidnappées pour être vendues, les hommes pour travailler. Travailler ou mourir.
Elle sera enlevée par des négriers à l’âge de 7 ans.
D’elle il ne restera que le souvenir très fort de sa mère assise sur la grosse racine de Baobab. De sa sœur jumelle restée auprès de sa mère, une partie d’elle comme sauvée et restée au village. Sa grande sœur, Keshmet qu’elle n’aura de cesse de chercher toute sa vie. Keshmet elle aussi aura été victime de la traite des négriers, enlevée deux ans avant Bakhita.
Tellement de choses volées. Jusqu’à son nom de petite fille. Le nom que son père avait offert à la Lune. SON nom. Personne ne le lui rendra. Quand on lui demandera, tout au long de sa vie c’est la petite fille qui vacille au fond d’elle. La honte d’avoir perdu jusqu’à son nom.
Mais elle est quelqu’un. Elle est importante et ça elle le sait. L’univers le lui soufflera toute sa vie durant.
Elle acceptera le nom qu’on lui donnera : Bakhita ; la chanceuse.
Elle est maintenant en marche vers le haut lieu de la traite d’êtres humains.
Une fois, elle réussira à s’échapper. Avec cette petite fille devenue comme sa propre sœur dans un monde où il vous est interdit d’aimer, Binah. Elles traverseront ensemble le désert jusqu’à Taweisha au milieu d’une caravane d’esclaves, comme elles. Des morts, des vautours, l’indicible sous leurs yeux, l’impossible devenu réel.
Ensemble elles ont désobéit, puis fuit jusque dans la forêt pour échapper à leur bourreau, à la folie.
Elles ne pourront malheureusement jamais revenir jusqu’à leurs villages.
Bakhita sera revendue sur un marché des esclaves au Soudan.
Elle passera de maître en maître, battue, humiliée… Mais chaque fois que l’horreur la prendra, Bakhita s’échappera en regardant les oiseaux au-dessus d’elle. Se concentrant sur un détail. Se demandant pourquoi des lunes sur ce tapis et non pas des soleils. L’esprit n’a pas de frontières même si le corps est prisonnier. La liberté est ailleurs.
Elle sera enfin rachetée par le consul d’Italie. C’est ici que commence sa vie, qu’elle se rapproche d’une possible liberté, si tant est qu’un jour elle ait pu la trouver. Un homme se battra pour elle, Stefano, homme de foi qui souhaite la voir placer chez les religieuses pour qu’elle puisse y apprendre à lire et écrire. Mais c’est sans compter le retour de sa maîtresse en Italie qui souhaite récupérer son bien.
« Je pars pas, je reste. »
Bakhita élèvera la voix pour la première fois. Un procès retentissant l’affranchira en en faisant ainsi un symbole pour toute l’Italie et même au-delà.
Sa véritable histoire commence ici. Elle deviendra Madre Giuseppina.
Mais elle ne sera jamais tranquille jusqu’à sa mort. L’Église lui demandera de raconter son Histoire à une journaliste qui la publiera en feuilletons puis ensuite au travers d’un livre.
Elle sera alors exhibée au public lors de longues tournées dans toute l’Italie afin de récolter des fonds pour les missionnaires partis en Afrique.
• L’extrait :
« C’est comme cela, par ce corps restitué, qui ne sera plus ni battu ni convoité, qu’elle retrouve, lentement, le monde des humains. Elle a quelque chose à elle, et c’est elle. Elle appartient au maître, mais un peu de sa vie est protégé. Elle sait que ça peut finir d’un jour à l’autre, pour une raison qu’elle ne comprendra pas, une décision qu’on ne lui expliquera pas, un au revoir auquel elle n’aura pas droit. Elle est habillée et coiffée, elle porte des bracelets, des perles dans ses cheveux. C’est doux et menacé. »
• Mon avis :
Ce livre est un Monument. Un pur chef-d’œuvre. Une montagne. Un coup de poing en plein cœur.
Un roman de résistance, de résilience aussi. La beauté des mots de Véronique Olmi m’habite encore. Il est en lice pour le Goncourt et le mériterait.
Son histoire nous dit que l’amour ne meurt jamais.
Quand certains esclaves choisissent de ne plus jamais aimer, pour ne plus souffrir les séparations, les morts, Bakhita aime… Même quand l’amour aurait toutes les raisons de s’éteindre en elle, de ne laisser que haine, douleur et désespoir. L’amour est là.
En commençant cette lecture je me suis demandée si j’allais réussir à aller jusqu’au bout, tellement les faits sont insoutenables. Mais à aucun moment je n’ai flanché malgré les tortures narrées, les sévices, les désespoirs, l’inhumanité. Lorsque je refermais le livre, j’avais l’impression de l’abandonner, j’ai eu beaucoup de mal à quitter ces pages. Beaucoup de mal à la laisser partir. Elle qui m’a tant touchée quand elle appelait Dieu « El Paron » (le patron). Ce Dieu auprès duquel elle aura cherché le pardon, comme si toujours il fallait s’asservir même avec un Dieu. Comme si tout ça, cette honte qu’elle portait était de sa faute.
Ce qui m’a plu dans le récit de Véronique Olmi c’est la puissance avec laquelle elle narre l’histoire de cette femme incroyable sans jamais aucun pathos. On ressent une force folle qui s’échappe de ces pages. Je l’aime cette Bakhita, comme tous ces enfants qui la regardaient admiratifs et plein d’espoir.
Je ne sors pas indemne de cette lecture.
Je regarde aujourd’hui l’ordinaire avec d’autres yeux. Tout ce qui m’entoure vit. Tout ce qui m’entoure me parle et je réalise ma chance d’être née à cette époque mais surtout dans un pays libre. Parce que, ce qui est raconté ici, n’est pas finit. Ailleurs le mal sévit encore.
J’ai prévu de craquer pour ce roman lors de mon prochain passage librairie 😉
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